Dans le demi-siècle écoulé, certaines valeurs que la conscience
esthétique pensait statutairement attachées à l'art ont été remises
en cause.
Vous pensiez que l'art devait accroître vos compétences perceptives.
Plongez les yeux dans
Mirror Vortex de
Robert Smithson et
vous changerez d'avis. « Pourquoi ne pas reconstruire notre incapacité
à voir? » demande, en effet,
Smithson à l'issue de son voyage
au Yucatàn. Glissez, dans un plein abandon, sur les toboggans de
Carsten Höller, dans un musée transformé en
amusement park, une
autre interrogation vous viendra : « Pourquoi ne pas construire notre
capacité à nous perdre ? ». Si vous croyiez aussi que l'art a pour
vocation de donner du sens, il vous suffira de parcourir les livres
d'
Ed Ruscha pour comprendre que l'une des tâches de l'œuvre peut
être précisément de s'en abstenir – une photographie de station-service
ne voulant être rien d'autre qu'une photographie de station-service.
De ce littéralisme foncier, l'équation de Martin Creed se
fait l'écho : « Le monde entier + l'œuvre = le monde entier ». Quant à
l'essence de l'art, dont le dévoilement, depuis
Manet, était promis,
les
Furniture Sculptures de
John M Armleder en ont résolument
perdu le souci. Leur formalisme postmoderne met en scène sans
désenchantement une réification qu'il offre même à notre jouissance,
mais que les « situations scénographiées » de Tino Sehgal,
que rien ne documente, ne désespèrent pas d'entraver.
Inaptitude à voir, sentiment de perte, absence de sens, quête du
zéro, plaisir de la réification ou, au contraire, ultime tentative pour
la déjouer, telles sont les singulières données que l'ouvrage de
Michel Gauthier dégage à travers l'analyse de quelques-unes des
œuvres majeures de notre temps.
« A travers six chapitres monographiques consacrés à des artistes majeurs de notre temps choisis parce qu'ils initient, reconsidèrent ou radicalisent certains paradigmes postmodernistes, Michel Gauthier dégage et interroge l'héritage contemporain des néo-avant-gardes des années 60. Cet ouvrage aide à comprendre certaines mutations esthétiques essentielles à travers l'analyse d'œuvres décrites avec précision et replacées dans le contexte de la démarche des artistes envisagés, mais aussi mises en perspective de manière transversale avec des réflexions tenues notamment dans la littérature, domaine que Michel Gauthier affectionne et pratique. »
Sophie Trivière,
Dits n° 13
« Il en va d'un constat sur l'époque qui ouvre des perspectives pour penser les œuvres aujourd'hui à partir d'une fin de la réification, de la conscience du langage comme matériau, du public comme forme. (...) On a véritablement plaisir à découvrir, avec l'auteur, une pensée visuelle à l'œuvre. »
Marie de Brugerolle,
Critique d'art n° 34
« Gauthier a su développer un style critique qui allie une limpidité extrême à une grande rigueur (...). Une critique très dense, savante, précise, brillante et ambitieuse. »
Jill Gasparina,
Les Cahiers du Mnam
Critique d'art, conservateur au service des collections du Musée national d'art moderne, directeur de la collection
L'espace littéraire aux Presses du réel et conseiller éditorial pour la revue
20/27, Michel Gauthier (né en 1958) collabore régulièrement aux
Cahiers du Musée national d'art moderne où il a notamment publié des études sur
Brancusi, Morris Louis, Richard Serra,
Didier Vermeiren ou Andreas Gursky. Il a également fait paraître des articles consacrés à la littérature (Henry James,
Francis Ponge ou
Maurice Blanchot).