L'un des disques de Stan Getz s'intitule
Focus. Pareil titre, s'il convient parfaitement au disque de Stan, dont le saxophone virtuose est le constant centre d'attraction du discours musical, pourrait être en réalité celui de toute œuvre d'art de l'ère moderne. Car c'est un fait, dont le statut d'a priori a fini par interdire la perception même : l'œuvre fonctionne comme le point focal de la scène où elle s'expose.
Il est pourtant certains travaux qui, diversement, remettent en cause cette focalité de l'œuvre et, par là même, le pouvoir qui s'y attache. Ce sont à quelques-uns de ces travaux qui ne sauraient s'intituler
Focus que l'ouvrage de Michel Gauthier est consacré : ceux d'Élisabeth Ballet, de
Jessica Stockholder, de
Claude Rutault, de
Peter Downsbrough, de
Cécile Bart.
Il ne s'agit donc, en aucun cas, ni d'une histoire ni d'une théorie de ce que Michel Gauthier désigne sous le vocable d'anarchème. Il s'agit plutôt d'une tentative pour poser quelques jalons dans la prise en compte du singulier phénomène qu'est un régime de défocalisation appliqué à l'œuvre. Et que la défocalisation constitue un attentat fait à l'autorité de l'œuvre d'art et que, en ce sens, le saccage puisse, à l'occasion, être une alternative à la défocalisation, c'est évidemment aussi l'une des perspectives que, avec le travail de
Steven Parrino, ce recueil voudrait ouvrir.
Critique d'art, conservateur au service des collections du Musée national d'art moderne, directeur de la collection
L'espace littéraire aux Presses du réel et conseiller éditorial pour la revue
20/27, Michel Gauthier (né en 1958) collabore régulièrement aux
Cahiers du Musée national d'art moderne où il a notamment publié des études sur
Brancusi, Morris Louis, Richard Serra,
Didier Vermeiren ou Andreas Gursky. Il a également fait paraître des articles consacrés à la littérature (Henry James,
Francis Ponge ou
Maurice Blanchot).