Une réflexion sur les tensions et les usages sociaux des modes de représentation contemporains, à partir d'un exercice d'analyse critique des pratiques composites de deux artistes.
Comment aiguiser sa propre
compréhension de la contemporanéité ?
Harun Farocki et
Rodney Graham,
artistes de renommée internationale,
inventent des dispositifs qui travaillent
cette question. Leurs parcours singuliers
se rejoignent à travers l'usage du film et
de la vidéo. Tous deux élaborent une
pensée sur le médium, l'histoire, la
figure de l'artiste, sa place et son rôle
dans une œuvre. Ce livre, pendant de
l'exposition
HF|RG, tous deux conçus
par
Chantal Pontbriand, explore quatre
concepts caractéristiques du travail
des artistes : l'Archive, le Non-verbal,
la Machine et le Montage.
Quatre philosophes,
Catherine Perret,
Catherine Malabou,
Peter Szendy
et Christa Blümlinger, revoient
ces concepts classiques de la (post)
modernité à l'aune des travaux
de
Harun Farocki et de
Rodney Graham.
Deux textes emblématiques du travail
d'écriture des artistes font écho à cette
approche conceptuelle.
Un cahier d'images construit, relie
et délie, les rapprochements entre ces
recherches. Les hyperliens émergeant
alors ne réduisent pas la singularité
des deux démarches, ils l'ouvrent,
la déploient.
Harun Farocki (1944-2014) se réfère à l'histoire du
cinéma comme dispositif de mise en image. Il s'intéresse au cinéma comme praxis sociopolitique et comme langage permettant de montrer le monde et la manière dont il fonctionne à travers la « machine » cinéma. Son œuvre, en plus de 90 films, incorpore une multiplicité de moyens d'expression – photographie, dessin, image documentaire – et analyse les convergences de la guerre, de l'économie et de la politique à l'intérieur de l'espace social. Depuis les années 1990, il a réalisé des bandes et des installations
vidéo qui parlent de la fabrication et du traitement des images dans les médias et les institutions.
Né à Novy Jicín en Tchécoslovaquie, annexée à l'époque par l'Allemagne, Harun Farocki étudie à la Deutsche Film und Fernsehakademie à Berlin. Il est d'abord réalisateur et édite la revue
Filmkritik dans laquelle il développe, entre 1974 et 1984, une importante réflexion théorique sur l'image. Des rétrospectives de ses films ont eu lieu à la Galerie nationale du
Jeu de Paume (1995), au Musée d'art contemporain de Barcelone (2004) et à la Cinémathèque de Vienne (2006). Il a été professeur à l'Université de Californie à Berkeley de 1993 à 1999 et professeur invité à l'Académie des beaux-arts de Vienne.
Voir asssi
E-flux journal – Navigation Beyond Vision.
Rodney Graham (1949-2022) est un artiste canadien à la renommée internationale. Son œuvre protéiforme se joue des perceptions, et du lien si ténu entre réalité et fiction. L'artiste est célèbre pour ses caissons lumineux et ses mises en scène qui semblent provenir d'images d'archives. Entre photographies, films, vidéos, maquettes, partitions musicales, il s'intéressait aux structures narratives figées, non dénuées d'un sens de l'humour aiguisé, explorant les possibilités des différents médias que l'artiste utilise. Les textes sont présents dans chacune de ses œuvres, représentés par des pages de journaux ou des volumes. Ils sont à la fois littérature mais aussi objets possédant une dimension spatiale à part entière. L'artiste était la plupart du temps l'acteur de son œuvre, posant la question de la représentation de soi, de l'artiste et de sa posture face à ses réalisations. Rodney Graham inventait de nouveaux scénarios pour chacune de ses réalisations, donnant naissance à un travail varié et difficile à caractériser. Si l'artiste s'intéressait beaucoup à l'histoire de l'art, son rapport à la modernité et à la post-modernité est resté complexe. Issu d'un groupe d'artistes conceptuels de Vancouver dans les années 1970, son travail est riche de références – et de mises en abyme – qu'elles relèvent de la psychanalyse (Sigmund Freud), de la philosophie, de la littérature (Edgar Allan Poe), de la musique (Black Sabbath ou Wagner), du cinéma (Alfred Hitchcock) ou encore du registre populaire. Graham qualifiait son travail d'« annexation », en recréant des œuvres existantes ou en réutilisant de multiples textes. Il a notamment rédigé des passages supplémentaires à des écrits d'Edgar Allan Poe, réutilisé des sculptures de Donald Judd, emprunté des mesures de Wagner dans certaines de ses créations musicales. Dans les années 1970, Rodney Graham a formé un groupe de musique avec d'autres artistes de Vancouver. Auteur et compositeur, ses morceaux sont qualifiés d'« idiomes-populaires ». À l'image de ses productions plastiques, sa musique prend source dans des références populaires et variées comme le rock, la folk et la country.