Quel sens donner aux formes de l'art abstrait quand le figuratif s'en trouve évacué au profit du geste et de la couleur purs ? C'est en analysant le cas
Hans Hartung, en déployant les profondeurs de sa psyché que ce livre mène l'enquête – à la frontière entre esthétique, neurosciences, psychanalyse et médecine.
Le lecteur pénètrera ainsi dans trois inconscients : l'inconscient moteur, mémoire des gestes ; l'inconscient cognitif, mécanismes cérébraux et sensoriels ; l'inconscient freudien, mémoire de l'oubli, des manques et des blancs. Fortes de cette approche multiple, les œuvres y seront décryptées comme autant de hiéroglyphes, de psychogrammes ou de rêves dessinés.
La production de Hartung apparaîtra dès lors comme des reflets électroencéphalographiques et kinesthésiques d'états traversés tout au long de son histoire. Une vie dense qui commence en Prusse en 1904 ; s'achève à Antibes en 1989, au lendemain de la chute du mur de Berlin ; et qui s'avère scindée en son mitan par la triple expérience de la guerre, de l'amputation et du changement de nationalité. À travers le cas Hartung, et grâce à l'étude de nombreux inédits comme le journal intime de l'adolescence, on parcourra une grande biographie psychédélique, riche de 320 illustrations commentées. On visitera, chemin faisant, des indices corporels et mentaux rendus à leurs sens intimes, géopolitiques et foncièrement paradoxaux, et les œuvres apparaîtront comme autant de révélations parlantes sur la prédestination d'un individu dans le XXe siècle.
Yves Sarfati est psychiatre, psychanalyste, ancien professeur des universités – praticien hospitalier. Ses ouvrages récents articulent histoire de l'art, psychanalyse et neurosciences. Spécialiste de
Gustave Courbet, il a dirigé l'ouvrage
Transferts de Courbet (Les presses du réel, 2013).