Camel Zekri (guitare électroacoustique), Thierry Madiot (trombone basse et trompes), Daunik Lazro (saxophone baryton) et Dominique Répécaud (guitare électrique) atteignent un rare degré d'équilibre entre douceur et rugosité, entre fulgurances et harmonie.
« Des fronts de nuages, bourdonnants et lourds, bourgeonnants, une promesse davantage qu'une menace crépusculaire ; le groupe Rekmazladzep, créé à l'automne 2000 en hommage à la chanteuse Annick Nozati, redouble son effectif pour une plus grande dépense, une étreinte lente, un faisceau de larges traits charbonneux. Dans cet enregistrement de l'été 2005, Daunik Lazro, Thierry Madiot, Dominique Répécaud et Camel Zekri, qui se sont fréquentés dans toutes sortes de formations (quatuor de guitares Misère & Cordes, Le Cercle, diverses combinaisons de duos, quartet de Ramon Lopez, Soixante Etages, etc.), s'avancent avec une sereine puissance, en un énorme Boeing au ralenti, quelques lumières clignotant au bout des ailes, large étrave écartant la nuit. Une sorte d'intense recueillement, complexe dans ses architectures mais évident, là, en sept moments – où la combustion du kérosène connaît toutes ses phases – comme autant de sillages laissés béants dans l'air, remous brasseurs de fréquences, dans l'obscurité. »
Guillaume Tarche
Daunik Lazro (né en 1945 à Chantilly) est un saxophoniste alto, baryton et ténor de
jazz et
musique improvisée, figure éminente de la scène musicale d'avant-garde européenne.
Il a joué et enregistré avec d'innombrables formations et musiciens, tels que
Joëlle Léandre,
Evan Parker,
Michel Doneda, Georges Lewis…
Artiste sonore, compositeur et improvisateur, Thierry Madiot joue du trombone basse, des trompes télescopiques, pratique les massages sonores dont il est l'instigateur et réalise des installations sonores avec des compresseurs à air. Il est également membre de l'ensemble
Dedalus. Respirateur s'appuyant sur le souffle et le vent, découvreur de matériaux sonores et collectionneurs d'accessoires, il sillonne par tous les biais les musiques improvisées et contemporaines.
Camel Zekri (né en 1962 à Paris) est compositeur, guitariste, ethnomusicologue, directeur artistique et pédagogue.
D'origine algérienne, il a entrepris la réunion de deux mondes, celui des musiques improvisées où il est actif en France, et celui de ses racines, l'Afrique et les musiques traditionnelles.
A ses débuts, le guitariste est un adepte des chemins de traverse : adolescent, il apprend en autodidacte la guitare électrique pour entrer dans des formations rock, puis étudie la guitare classique (Premier Prix de Conservatoire), se passionne pour le jazz contemporain (John McLaughlin, Anthony Braxton...), et s'engage dans plusieurs années de musique antillaise (il enregistre notamment avec Dédé Saint-Prix). La rencontre du clarinettiste
Xavier Charles à la fin des années 1980 est décisive, ils forment le quartet Dicotylédone, premier ensemble ancré dans l'improvisation.
De l'héritage familial du Diwan, cérémonie mystique dirigée par son grand-père maternel à Biskra, Camel Zekri reste distant. Un voyage au Niger en 1992 sera le déclencheur : à l'écoute de musiciens traditionnels, il développe un jeu davantage basé sur l'ornementation (qu'il transcrira par la suite dans l'harmonisation et les traitements sonores), et il apprend le oud.
Parallèlement, il s'inscrit au sein des musiques improvisées dans la continuité d'aînés tels
Derek Bailey ou Keith Rowe, affranchissant l'instrument des notions traditionnelles de rythme et d'harmonie, usant de la guitare préparée.
Au cours des années 1990, il rejoint Denis Colin et Les Arpenteurs, le grand orchestre Système Friche de Xavier Charles et Jacques Di Donato, ou co-fonde le quatuor de guitares « Misères et Cordes » avec
Pascal Battus, Emmanuel Petit et
Dominique Répécaud. Camel Zekri privilégie les petits ensembles d'improvisation libre, où la dimension expérimentale se nourrit d'un sens rituel de l'écoute, propice à la magie des textures.
C'est grâce au Festival de l'eau en 1996 qu'il entreprend un premier métissage des cultures, avec la rencontre d'artistes européens et africains initiées le long du fleuve Niger : « Improvisation, tradition, leur point commun, c'est la spiritualité qui les entoure », dit-il. Camel Zekri revient alors vers le Diwan de Biskra (dont il a enregistré une cérémonie pour le label Ocora), en proposant à partir du répertoire traditionnel de nouveaux espaces de dialogue : sont invités des musiciens gnaouas, l'Algérienne Hasna El Becharia et le Marocain Mahmoud Gania, ou encore le chanteur basque
Beñat Achiary. Il a poursuivi cette démarche avec Le Cercle, où se sont réunies musiques orientales (chant soufi), africaines (tambours, quarkabous...) et européennes (notamment le saxophone de
Daunik Lazro et la guitare de Dominique Répécaud).