Contemporain ?
Daniel Buren
(extrait, p. 6)
Cette exposition est née à la suite d'une rencontre
puis d'une initiative due à Véronique Wiesinger.
Plutôt que de refuser immédiatement une telle
proposition, étonnante pour moi à plus d'un titre
étant donné le ravin qui existe entre l'œuvre de
Giacometti et la mienne, je décidai de ne pas la
rejeter sans y réfléchir un peu plus avant.
L'analyse me fit opter pour une proposition très
particulière que Véronique Wiesinger accepta.
Ne trouvant, selon moi, aucune raison ni
esthétique ni éthique valable, permettant de
juxtaposer nos deux œuvres, quels éléments
autres pouvaient émerger de telles différences ?
Contre toute attente je me rendis compte qu'un
moment pivot pouvait nous réunir.
Au moment où mon travail prit sérieusement
son propre envol, celui de Giacometti allait se
terminer brutalement.
Ce moment pivot est 1964-1966 (mort de
Giacometti en janvier 1966).
Nous avons donc là, simultanément, une fin et un
début.
Une œuvre confirmée et une autre qui se
cherche.
Des pièces archiconnues déjà à l'époque, et
d'autres toujours peu connues quarante-cinq
années plus tard.
Les exposer ensemble, par le biais d'un moment
commun et seulement cela, permet d'éviter de
faire une histoire esthétique comparée (ce qui
serait par ailleurs ridicule), ou d'insister sur ce qui
les rend dissemblables et différentes (ce qui ne
serait pas moins ridicule).
En revanche, souligner ces étranges cohabitations
dans le temps et dans l'espace où des
préoccupations différentes, voire opposées, se
chevauchent, me semble très souvent oblitéré par
l'histoire, pour différentes raisons qu'il ne s'agit
pas d'étudier ici.
Multiplicité, contradiction et cacophonie dans la
même époque, et ce à toutes les époques.
Rencontres accidentelles donc, mais dans la
concordance des temps.
Si on ose parler de dialogue entre deux trains qui
se télescopent, cette exposition est alors de ce
type-là.
(...)