extrait
p. 11-19
L'arbre poussait sur une décharge,
sous un pont, un ailante, vigoureux, à
croissance rapide. Deux troncs
jaillissaient de la boue, se déployaient
au-dessus des ordures, des boîtes de
conserve, des bouteilles en plastique
et des papiers détrempés. Leur
ascension interrompue par le tablier du
pont, les deux troncs se courbaient à quatre-vingt dix degrés, suivant de
près la voûte de ciment, puis, ayant
atteint l'autre bord, reprenaient leur
trajectoire ascendante. J'ai vu cet arbre
peu après avoir commencé à fureter
sur la rive de l'Èbre, me demandant ce
que j'allais faire pour l'Expo. Tout
d'abord, j'ai voulu le reproduire, mais
ensuite je me suis rendu compte que c'était l'image qui guidait mon choix du
site. J'ai entrepris de regarder en
dessous et à côté de tous les ponts de
Saragosse, du site de l'Expo où celui de
Zaha Hadid commençait tout juste à
enjamber le fleuve, jusqu'au nouveau
barrage en construction, après le
Puente de la Unión. J'ai regardé
comment les ponts étaient faits, observé les débris marins prisonniers
des piles, l'eau qui ondulait, la surface
chargée et turbulente lorsque le flux
augmentait dans les passages étrécis.
Le Puente de la Unión tel que je l'ai vu
ce premier jour avec ces rives un peu
sauvages et le site quelque peu boueux
offrait un spectacle dont Piranese aurait
pu se délecter, en particulier les doubles piliers trapus en ciment brut
qui soutiennent les routes aériennes, et
ce trait de ciel bleu révélé entre eux.
C'était là un site qui m'intéressait
et où je voulais travailler.