Richard Hawkins (né 1961 à Mexia, Texas, vit et travaille à Los Angeles) développe dès le début des années 1990
une œuvre aussi complexe que sophistiquée, un univers homosexuel étrange fait de distorsions, de découpes, de dissections, de décapitations... et d'épiphanies picturales. Le collage, pratique héritée de la tradition du cut-up de
Brion Gysin qui exploite avec violence les mythes échoués de la contre culture américaine, est pour Hawkins un espace du double, de l'expansion, de l'indécidable, du transitoire, de l'éphémère et de l'instable. Il est le fondement de l'ensemble de son travail : peintures, sculptures, assemblages, livres et tumblr saturés d'images pornos vintages ou d'expositions virtuelles d'autres artistes. Toute l'œuvre de Hawkins est traversée par le point de vue d'un voyeur, cruiser, chasseur désirant, s'arrêtant sans distinction sur l'espace fantasmatique des mythologies anciennes et contemporaines, feuilletant les magazines d'art anciens avec autant de frénésie qu'il ne traque les garçons au coin d'une rue.
Sans jamais chercher à créer de liens entre ces différents récits, pratiques et médias, Richard Hawkins ne laisse subsister qu'une indulgence constante à l'égard de ses sujets, le simple plaisir de la fascination et de l'émerveillement. La beauté juvénile de Matt Dillon, l'ombre de Lautréamont et la gestuelle disloquée de l'inventeur du Butoh
Tatsumi Hijikata sont traités avec autant de joie, de grâce et de vulgarité que ses autres obsessions : les représentations de la Grèce antique, la sculpture romaine, la littérature Décadente française du XIXe siècle, le symbolisme de Gustave Moreau, l'histoire des Indiens d'Amérique, les zombies, les maisons hantées, les théories poststructuralistes ou encore le tourisme sexuel thaïlandais (...).
Il y a quelque chose du récit épique dans la démarche de Richard Hawkins, une volonté de renvoyer la platitude des conventions du pop-art américain à des dimensions héroïques, merveilleuses, morbides et exotiques. Une esthétique de l'horreur, de l'outrance, qui lui vient peut être de cette enfance dans le Texas ou Frankenstein, Dracula et les membres de la famille Adams étaient le seul moyen d'échapper à la banalité d'une vie qui ne reconnaissait pas la différence (...).
Ainsi s'élabore l'ensemble de sa pratique : ce qui débute par une fascination (pour l'art d'un autre, pour un modèle, pour l'esthétique gotho-érotique, pour les détritus culturels abandonnés) dérive dans les méandres à la fois sensuels et sombres de la culture, région où persiste les derniers éclats d'une célébrité, ou plutôt des lueurs dont les scintillements sont saisis comme autant de bijoux, à la fois ésotériques et brillants.
Célébré par la critique internationale à la Biennale du Whitney en 2012, son œuvre a fait l'objet de monographies importantes au Hammer Museum (Los Angeles, 2011), Art Institute of Chicago (2010) ou à DeAppel (Amsterdam, 2004).
Stéphanie Moisdon