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L'idée est de réaliser sept entretiens au
rythme d'un rendez-vous par jour pendant
une semaine. Parler de mon actualité, de la
façon dont je travaille mais aussi des
expos que l'on va aller voir ensemble. Ce
qui me plaît dans l'organisation de ce laps
de temps, c'est que la pensée y soit en
mouvement, que les mots soient souples et
bougent. Les choses sont dites et peuvent
très bien être contredites plus tard, c'est
un moment de vie. Plutôt que de sortir de
grandes théories, c'est plus une voix, une
parole, que j'essaie de proposer. En ce
moment, je me sens un peu dans un moment de
transition. L'expo que j'ai faite chez Anne
de Villepoix s'en ressent pour ceux qui me
connaissent, et j'aimerais qu'on soit dans
cette humeur-là, que le livre soit dans le même ton. Le ton de la transition, du
doute…
J'écris de temps en temps… surtout des
textes sur mon travail ou sur la situation
de l'art, sur d'autres travaux aussi… J'ai
écrit, par exemple, un texte sur
Alain
Séchas, car j'apprécie son œuvre.
Je voudrais donner à ce livre un peu la
même identité visuelle que celle de l'exposition
que je suis en train de montrer à
la galerie. Lorsque je fais une exposition
personnelle, j'essaie de lui imprimer une
image, une identité, de la même façon que
dans la société de consommation, quand on
vend un produit, on lui donne une image, on
lui crée une identité visuelle. Il s'agit
aussi de mettre mon travail en corrélation
avec le monde. Lors de ma dernière exposition
à la galerie, en 2002, « Tractatus Logico-
Economicus », j'avais écrit pour la revue
Trouble un texte intitulé « Conditions
de l'artiste à l'ère du Mc world » ; il
pouvait être lu en complément de l'exposition
ou plutôt comme la toile de fond de cet
événement. Celui qui fait des choses doit
aussi pouvoir en parler, spéculer sur la
façon dont son œuvre s'inscrit dans le
monde.
Il est vital pour un artiste de pouvoir s'exprimer. Dans le milieu de l'art, comme
dans beaucoup d'autres, on parle beaucoup,
mais on ne se dit pas grand-chose. C'est
mondain. Alors j'essaie de jouer le jeu car
je suis farouchement pour l'autorité de
l'artiste, pour la parole de l'artiste et
cela, à un moment où justement je trouve
qu'elle n'existe plus. On ne l'entend plus.