Un parcours poétique au piano solo.
Ce disque peut apparaître comme une pause, dans le contexte d'un parcours musical riche en rencontres et aventures, de Sonny Murray à Dominique Regef, en passant par Hélène Labarrière, Guillaume Orti mais aussi Michel Doneda, Michaël Nick, Hélène Breschand, Thierry Madiot ou eRikm...
Solitaire, comme forcément le sont les pianistes face à leur terrible machine (tant de cordes et de touches...), face à l'histoire tellement chargée de moments essentiels et de monstres sacrés, Sophie Agnel a réussi avec ce solo un parcours poétique bien au-delà de l'exposition du savoir faire.
Ce disque est un moment de sons retrouvés. Quelque chose de nécessaire dans notre espace saturé.
« Si c'est à Paris en 1964 que Sophie Agnel est née, c'est vers d'autres îles sonnantes et au cœur d'une temporalité réinventée qu'elle se meut aujourd'hui, à la poupe d'un piano intégral, instrument dont elle a fait un véritable organisme vivant et vibrant.
De formation classique, échappée du jazz (duquel le trop strict traitement de l'harmonie l'a détournée), Sophie Agnel aborde le piano sous tous les angles sonores qu'offre ce navire musical : clavier, cordes et cadre sont appréhendés simultanément, dans une démarche mixte (comme on le dit de certaines techniques en peinture) qu'il serait réducteur de rabattre sur la définition
cagienne de piano préparé. Envisageant l'instrument – qu'elle étend par maints accessoires, gobelets, boules ou cordes – comme un poétique pourvoyeur de matières et textures anamorphiques, la musicienne l'amène à faire jeu égal avec les dispositifs musicaux les plus divers, de quelque lutherie qu'ils relèvent (du physiologique à l'électroacoustique)…
On ne s'étonnera donc pas de constater ses ententes avec
Michel Doneda et de la retrouver aux côtés du saxophone mouillé d'
Alessandro Bosetti, de la guitare électrique acoustifiée d'
Olivier Benoit, des voix de Catherine Jauniaux et de
Phil Minton, ou du clavier de
Christine Wodrascka. C'est du même sceau de l'évidence esthétique que sont marqués tous ses compagnonnages, de ce même goût, au-delà du narratif, pour les délicates recherches sonores et les surgissements d'univers auxquels l'auditeur participe par une écoute active : au cœur des mondes phonographiques de Jean Pallandre, du cinéma auriculaire de
Jérôme Noetinger &
Lionel Marchetti, des tissus crêpés de
John Butcher ou
Axel Dörner, auprès des aimables machines d'
eRikm ou Ikue Mori, des froissements harmonico-stratosphériques de Stéphane Rives…
L'originalité de la recherche conduite par Sophie Agnel l'amène à développer aujourd'hui, en solo ou en compagnie significativement choisie, une approche sonore des plus raffinées et hautement poétiques qui fait de chacun de ses concerts une construction mouvante et fouillée de gestes musicaux ciselés, une somptueuse et douce irradiation. »
Guillaume Tarche