Une réflexion collective et transdisciplinaire sur la notion de distraction, pensée à la fois comme le stigmate de nos sociétés et comme son antidote.
Notion souvent dévalorisée ou fustigée, la distraction renvoie autant à certaines modalités de l'attention (flottante, incidente, mobile...) qu'aux formes sensibles associées à la culture de masse. La distraction est plus ambivalente que sa dénonciation ou sa synonymie avec le terme de divertissement ne le laissent supposer. Tandis que ce dernier pourrait ne renvoyer qu'au fait de se détourner d'une chose, de faire diversion, la distraction relève plutôt d'un conflit d'attractions. En résulte une double orientation des recherches qui composent cet ouvrage, où l'examen local d'états de coexistence entre perception distraite et capacité attentionnelle voisine avec des réflexions sur les influences réciproques entre le domaine des arts et la société du spectacle.
Cette notion de distraction qui se dédouble en deux branches est également clivée, entre émancipation et aliénation, tant dans ses pratiques que dans ses productions. Les réflexions rassemblées ici interrogent la façon dont la distraction cristallise certaines interrogations du présent, celles d'un monde qui se numérise et dont les tensions politiques vont croissant. On peut ainsi paradoxalement penser la distraction à la fois comme le stigmate de nos sociétés et comme son antidote. Elle connaît dans ce recueil un sort fidèle à son étymologie, elle est « tirée en divers sens » dans une variété d'interprétations et d'expériences où sa parade se manifeste de manière inattendue et fend les idées reçues.
« Dans ce foisonnant ouvrage collectif et transdisciplinaire dirigé par Paul Sztulman et
Dork Zabunyan, magnifiquement édité par Les presses du réel, un ensemble de chercheurs venus de différents horizons met au travail la notion de "distraction" [...]. Ouvrage jubilatoire, inventif, dont on soulignera aussi la beauté formelle,
Politiques de la distraction déplie comment l'entrée en distraction, le culte, l'éloge de la distraction montrent qu'elle se place du côté de l'
amor fati de Nietzsche, de l'accueil du hasard, de la joie spinoziste, de la déprise, de la sérendipité, des moments de "grâce" dans les découvertes scientifiques, dans les créations artistiques. Par sa connexion entre activité et passivité, elle est au cœur des pratiques esthétiques de l'art contemporain qui produit des œuvres appelant à l'écoute et à la vue distraites, des œuvres qui rompent avec la saturation sonore et visuelle du monde actuel. Elle ouvre par là à une manière pacifique d'habiter la Terre, dans une interconnexion entre humains et non-humains ; elle fournit des propositions théoriques et pratiques en vue d'une coexistence harmonieuse entre les formes du vivant. »
Véronique Bergen,
L'Art même