Le premier inventaire complet de l'œuvre d'Hubert Renard, entre 1969 et 1998, inclus toutes les œuvres finies, peintures, sculptures, installations, pièces uniques ou multiples (à l'exception des photographies non éditées et des dessins).
« Le catalogue raisonné documente l'ensemble de l'œuvre produite entre 1969 et 1998, et indique un certains nombre d'informations pour chacune des œuvres classées comme suit : numérotation, titre, année, médium, série, matériaux / technique / édition, format, collection, description, expositions, bibliographie, notes et historique.
Cette approche rationnelle et méthodique permet de percevoir des tendances et un certain nombre de séries témoignant des préoccupations de l'artiste et significative des grands débats agitant la scène artistique du XXe siècle :
minimalisme, réalisme, support/surface, art/
design, peinture/photographie,
art conceptuel et tautologie, abstraction et figuration, modernité et post-modernisme. L'œuvre d'Hubert Renard a ceci de particulier qu'elle n'est en soit pas si particulière. Elle pourrait ne pas exister, de nombreuses œuvres équilaventes existeraient tout de même, tant elle semble emprunter à un ensemble de formes génériques et de gimmick d'époques, qui peuvent évoquer pour beaucoup les premières expositions d'art contemporain organisées par les FRAC dès le début des années 80.
Mais c'est surtout de cela qu'il s'agit dans l'œuvre de Hubert Renard, c'est une œuvre archétypale et potentielle, une œuvre reflétant le zeitgest dans sa forme et dans les usages, et dont le catalogue raisonné se fait alors lui-même geste.
Cet effet de distanciation critique et de dédoublement tient au fait que Hubert Renard est par deux fois artiste. Sa pratique l'a porté très tôt à créer un double, un alter-égo homonyme de quelques années son ainé, qui lui-même serait artiste à rebours, s'inscrivant dans un présent révolu, n'existant que sous la forme d'œuvres réalisées en maquette et documentées, dans une forme d'œuvre d'art total, mélant la vie de l'artiste à son œuvre.
Au centre du travail, il s'agit donc autant de l'œuvre réelle, que de la légende qui entoure l'artiste avec ses anecdotes véridiques ou non, son originalité réelle ou supposée, ainsi que son authenticité. Il a d'ailleurs inséré dans le texte nombre de remarques, pouvant tantôt passer pour des coquilles, des traits d'humour ou des commentaires "déplacés", semblant parfois le positionner comme extérieur à son œuvre.
Depuis la naissance de ce double, Hubert Renard s'attache à le crédibiliser, à l'incarner dans une forme de réalité, en attestant de manière tangible et néanmoins lacunaire de son existence, nous la rendant famillière. Il a construit tout un système de preuves de son existence, en créant autour de lui tout un réseau institutionnel et marchand, fac-similé et réel, autour de son œuvre, de critiques, de galeries ou de collectionneurs, autant d'indices, renvoyant en miroir à la manière dont un artiste construit sa légitimité et dont le catalogue raisonné viendra ici encore apporter une nouvelle pierre à l'édifice de sa personnalité.
Au delà de la documentation de l'œuvre, le projet renvoie à la question de la construction des mythes contemporains pour une part majeure constitutifs de l'histoire de l'art, et renvoit tout autant à la manipulation de l'histoire en général. Initialement admise comme continue et linéaire, l'histoire apparait encore plus aujourd'hui comme une perspective, un processus soumis en permanence aux relectures critiques mais aussi à des tentatives de manipulations de l'opinion conscientes ou inconscientes avec la propagande, ses fake news et sa continuité retroactive. »
Alain Farfall
Edition limitée à 200 exemplaires.
Hubert Renard (né en 1965 à Lyon, vit et travaille à Paris) met en place des dispositifs qui interrogent les usages du monde de l'art, révélant les différents aspects de ce que l'on pourrait appeler la littérature d'exposition. Son œuvre consiste en grande partie en une documentation (publiée ou non) sous forme de catalogues, affiches, cartons d'invitation, photographies d'expositions, de vernissages, d'installations, articles de presse, enregistrement de conférences, documents épistolaires, etc., consacrée à un artiste dont la réalité est paradoxalement établie et mise en doute par ce dispositif et qui porte le nom d'Hubert Renard. Il utilise aujourd'hui cette archive comme matériau pour continuer ses recherches.
L'œuvre de Hubert Renard est ubique dans le sens où elle existe simultanémment à différents moments du temps, dans les différentes périodes dans lesquelles elle s'inscrit, mais aussi par les différentes facettes de sa personne et de la réflexion qu'elle met en place. A l'instar du chat de Schrodinger, son œuvre est à la fois morte et vivante, en cours et pourtant achevée, et la présence de l'artiste lui-même se manifeste souvent... par son absence. On pourrait dans un sens affirmer qu'elle s'appuie sur les bases esthétiques classiques de la « re-présentation », jouant en permanence du trouble de la disparition et de l'apparition de son sujet, où l'artiste, l'œuvre et son modèle se confondent.