Le livre d'histoire du
cinéma marocain de 1907 à 1986 d'Ahmed Bouanani, publié pour la première fois 33 ans après son écriture –
un texte hybride au souffle prodigieux.
« Ahmed Bouanani, auteur d'une œuvre littéraire immense et en grande partie inédite, disait n'écrire que pour lui-même et pour quelques amis. À l'entendre, on croirait presque que les quatre livres publiés de son vivant l'ont été contre sa volonté. Le seul ouvrage qu'il tenait explicitement à voir paraître est celui que vous tenez entre les mains.
En 1987, une revue nommée Nejma arbore une quatrième de couverture inhabituelle. Elle annonce que “Bouanani cherche éditeur” pour son ouvrage de 300 pages sur le cinéma au Maroc. En tant que cinéaste, il avait pu constater la difficulté de produire librement des films à la hauteur de l'enjeu historique qui s'imposait à sa génération : comment, au sortir de la longue nuit
coloniale, donner à voir aux Marocains une image juste d'eux-mêmes, sans mépris ni complaisance ? Trente ans après l'Indépendance, il était urgent de faire le point.
Pour Bouanani, écrire ce texte relevait d'une nécessité intime, d'une responsabilité dont il se sentait investi. Personne d'autre n'avait écrit ni, pressentait-il à juste titre, n'allait écrire cette histoire. Le projet demeura, hélas, longtemps empêché. 33 ans plus tard,
La Septième Porte paraît enfin, grâce aux efforts conjugués de nombreuses personnes dévouées à l'œuvre de Bouanani et à la mémoire du cinéma marocain.
La Septième Porte est un texte hybride au souffle prodigieux. C'est un livre d'histoire qui se lit comme un roman d'aventure, le roman haletant d'une naissance semée d'obstacles : la naissance inachevée d'un cinéma national. C'est, mise en récit, la quête enthousiaste et contrariée d'un art qui sache à la fois honorer la mémoire collective et façonner les images d'un avenir partagé. »
Omar Berrada
« C'est une œuvre majeure qui vient d'être arrachée à l'oubli. Dans
La septième porte, œuvre d'érudition autant que conte, le poète, romancier et cinéaste Ahmed Bouanani (1938-2011) retrace quatre-vingts ans d'histoire du cinéma marocain [...]. Si
La septième porte est admirable pour la précision des informations sur des comédiens et des réalisateurs aujourd'hui presque oubliés, c'est aussi une œuvre d'une grande liberté [...]. Ce que fait Ahmed Bouanani dans le livre s'inscrit dans un projet intellectuel et politique de constitution d'un appareil critique. Mais c'est en tant que poète qu'il le fait, en tant que conteur nourri des traditions populaires orales qu'il avait contribué à répertorier, avec sa musique propre [...]. La publication est enfin l'aboutissement d'un remarquable travail éditorial [...]. Au bout de sept ans de travail, cette œuvre majeure est enfin accessible. »
Kenza Sefrioui,
En attendant Nadeau
Egalement disponible en
édition arabe.
Omar Berrada est écrivain, poète, et commissaire d'exposition. Il vit à New York et enseigne à la Cooper Union, où il co-organise la série de conférences IDS. Il dirige la bibliothèque et résidence d'artistes Dar al-Ma'mûn, à Marrakech. Il est l'auteur, avec
Erik Bullot, d'
Expanded Translation – Un traité de trahison et, avec
Yto Barrada, de l'
Album - Cinémathèque de Tanger. Il est également traducteur de textes de
Jalal Toufic, Stanley Cavell et Joan Retallack. Ses poèmes sont publiés dans
Wave Composition,
Asymptote,
Seedings et
University of California Book of North African Literature. Depuis plusieurs années, il développe un travail critique et d'analyse pour éclairer l'itinéraire et l'œuvre d'Ahmed Bouanani, dont il présente à la Biennale de Marrakech et au Witte de With à Rotterdam deux expositions axées sur le travail et les archives.
Touda Bouanani est une artiste plasticienne et vidéaste pluridisciplinaire. Le souvenir et la mémoire sont au centre de sa recherche.
Avec
Conte de la énième nuit, 1993, elle entame l'écriture de vidéos poèmes ou de vidéos installations où s'entremêlent sa propre écriture à celle de Georges Perec, Jorge Luis Borges, Fernando Pessoa ou Ahmed Bouanani.
Quand elle est étudiante aux Beaux-Arts de Bordeaux, elle parle souvent du travail de son père Ahmed Bouanani. Elle présente
Le Mirage, son unique long métrage, sur un support VHS en version originale. Elle double en direct toutes les voix en français, en lisant sur papier la traduction faite par son père.
En 2006, un incendie a lieu dans l'appartement familial de Rabat. Son père, exilé dans les montagnes de l'Atlas depuis la mort de sa fille cadette Batoul en 2003, a alors pensé que tous ses manuscrits avaient disparu. Patiemment, avec sa mère Naïma Saoudi, décoratrice et costumière, Touda a séché les livres, les costumes, les manuscrits et tous les papiers, photos, etc. Finalement elles trouvent de nombreux manuscrits, scenarios, romans, poèmes, nouvelles. Pour avoir une idée du volume, Touda Bouanani les a mis dans un coffre en bois, coffre qui est un élément de décor du film d'Ahmed Bouanani
Les Quatre Sources, 1977 où le héros découvre son héritage dans ce même coffre.
En 2010, elle commence à représenter son père pour des présentations de ses films, puis de ses livres. Elle organise un diaporama à bases de photographies où elle présente en même temps son travail et le travail qu'elle effectue pour conserver, répertorier, diffuser son travail. Depuis la mort de son père en 2011, puis de sa mère en 2012, Touda Bouanani est confrontée aux archives familiales et aux nombreux écrits inédits. En 2014, elle réalise
Fragments de mémoires, 20 minutes, où elle dresse un portrait de son père et de sa famille à travers ses archives.
Elle développe une série de photographies avec Francesco Apruzzi où elle se met en scène dans des lieux de mémoires à travers le monde. Au-delà de la mémoire de son père, elle est préoccupée par l'importance de préserver la mémoire, le travail des artistes et des penseurs au Maroc et en Afrique.
Cinéaste – réalisateur, scénariste et monteur –, écrivain et dessinateur, Ahmed Bouanani (1938-2011) est une figure majeure de la vie intellectuelle et artistique
marocaine. Il aura défendu une pratique des arts sans égards aux hiérarchies entre les genres. Ni art majeur ni art mineur, mais le règne sans ambages du savoir-faire des peuples. Dans cette vision englobante du métier d'artiste, toutes les disciplines de Ahmed Bouanani se nourrissent les unes des autres, animées par un projet holiste : réinventer les pratiques collectives et les formes (montage, bande-son, onirisme) et, par tant, faire œuvre de passeur de patrimoine et de mémoire. Monteur sans pareil au cinéma, Bouanani l'est aussi dans sa littérature où il a « élevé l'esthétique du montage à une éthique de la résistance face à la dépossession » (Omar Berrada). Dans sa dramaturgie, cette caractéristique n'est donc pas en reste. Ses œuvres traitent de la responsabilité de l'écrivain face au délitement de la mémoire collective, à une époque qui ne promet qu'amnésie et mort du rêve. L'auteur y peuple ses univers de personnages réels ou imaginaires (écrivain, journaliste, anges et ogres) pour inviter le lecteur, non sans humour, à circuler entre les référents. Pour Bouanani, face à l'amnésie, la question n'est pas de préserver la mémoire, mais de la reconstituer par-delà ses pièges ; de recréer un sens nouveau à partir de fragment épars. On retrouve ses thèmes centraux de sa littérature : la disparition de la réalité, la déréalisation du monde, le rôle de l'écrivain pris entre les impuissances de la mémoire subjective et les porosités de la mémoire collective.