Cette première traduction française des premiers poèmes de Clemente Padìn (initialement parus dans sa revue poético-politique Los Huevos del Plata en 1966 puis en recueil l'année suivante) permet de découvrir la préhistoire du chantier poétique de Padín, le socle à partir duquel le poète a remis en cause tous les formalismes poétiques, en a sapé les limites et contraintes, pour devenir l'un des acteurs les plus inventifs et critiques de la poésie-action.
Clemente Padìn (né en 1939 à Lascano) est un
poète,
performer, designer et artiste multimédia uruguayen. Il est également un important théoricien des pratiques poétiques issues des avant-gardes historiques. Dans les années 1960, il est l'un des initiateurs du
mail art en
Amérique latine, avec ses amis Dámaso Ogaz (Chili – membre du groupe d'avant-garde vénézuelien « Le Toit de la baleine », cf.
Attaques n° 2), Guillermo Deisler (Chili) et Antonio Vigo (Argentine). En 1966, il crée la revue
Los Huevos del Plata, qui donne le ton d'une poésie résolument moderne se réinventant hors des formalismes de l'époque, et qui s'affiche politique. Il y publie ses premiers poèmes qui, réunis sous le titre
Los Horizontes Abiertos, furent publiés en recueil en 1967 (traduits dans la collection
Al Dante sous le titre
Horizons ouverts). Dès les premiers numéros, on trouve parmi les figures tutélaires
Antonin Artaud, Ezra Pound, Vicente Huidobro et Sade. Après quatorze numéros et trois livres, la revue s'arrête en novembre 1969 avec, en citation de couverture : « pour créer un monde, il faut détruire un monde ». Le mois suivant, en décembre, il lance une nouvelle revue :
Ovum 10. Ce qui était ébauché dans
Los Huevos… se radicalise : la revue s'affiche internationaliste, expérimentale, révolutionnaire et compagnonne des mouvements sociaux. Les sommaires sont le reflet d'un réseau poétique qui se crée en Amérique latine (principalement avec Chili, l'Argentine, le Brésil – et les membres du groupe Poema/Processo : Dias-Pino, Cirne et Alvaro de Sa…) mais aussi avec l'Europe (l'Italie – Accame,
Spatola, Sarenco, Perfetti… –, la France –
Julien Blaine,
Jean-Claude Moineau… – l'Allemagne – avec
Jochen Gerz…) et les USA (avec Kostelanetz,
Dick Higgins, etc.). Après dix numéros (comme indiqué dans son titre programmatique), la revue cesse de paraître en 1972. Quant à la poésie de Padìn, elle s'oriente vers des pratiques de poésies visuelles, sémiotiques, conceptuelles, performatives, multimedia, contextuelles et environnementales.
Dès lors il ne cessera de mener une vie d'activiste sur tous les fronts, tant esthétiques que politiques (ce qui lui vaudra, lors de la dictature militaire, deux ans d'emprisonnement, de 1977 à 1979, puis d'être mis en liberté surveillée jusqu'en 1984). Il publie, expose, organise, performe, théorise… sans cesse, toujours aujourd'hui.
Clemente Padìn a reçu le Prix d'honneur
Bernard Heidsieck 2019.