Angéline Neveu, seule femme Enragée de Nanterre, se raconte et nous donne un témoignage sur son époque et ses bouleversements – dont mai 68 à travers sa fréquentation de Guy Debord et des situationnistes –, dans laquelle une femme mène ses propres luttes pour obtenir son autonomie par rapport à sa famille, mais aussi par rapport au sexe, aux hommes, au travail.
Angéline Neveu cite dans son livre la phrase d'Hassan-i-Sabbagh : « Rien n'est vrai, tout est permis », phrase commentée par Nietzsche dans
Ainsi parlait Zarathoustra. Donc expérimenter les limites, à travers la drogue, l'alcool et la sexualité qui se libérait à l'époque, et la remise en cause de l'État dans la lignée du « Contr'un » de La Boétie. Cette expérience des limites se retrouvent dans des formules de son livre comme « Mon amant de toujours fut le Néant ». Un livre donc métaphysique quelque part, recherche de spiritualité, quête de l'absolu, mais surtout un livre réellement vécue, autobiographique mais pas seulement, et qui couvre toute une vie.
Jacques Donguy
Alors
je pris la décision
d'aller
jusqu'au bout
du chemin.
J'ai été
un être mentalement
malade
en contact avec
les forces négatives,
les forces de destruction.
Depuis mes onze ans,
mon amant
de toujours
fut le Néant.
Angéline Neveu (1946-2011) est une
poétesse et
performeuse française. Unique membre féminin du groupe des Enragés de Nanterre en 1968, elle fut également proche des
Situationnistes Christian Sébastiani et Gianfranco Sanguinetti.
Dès le début des années 1970, elle publie dans diverses revues de l'underground poétique dont, parmi les principales :
Le parapluie (la revue de Henri-Jean Enu),
Zone,
Exit,
Bunker et
Doc(k)s de
Julien Blaine. Grâce à Enu, elle publie son premier livre :
Synthèse, en 1976 – puis ça sera
Lyrisme télévisé (1981),
Rêve (1982),
Je garderai la mémoire de l'oubli (livre-cassette, 1984). En 1985, un hommage lui est rendu à Paris, au centre George Pompidou. Un livre lui est alors dédié, nommé
Désir. Sur invitation de Julien Blaine, elle ouvre et dirige la collection « Unfinitude » de poésie texto-visuelle photocopiée, qui sera l'une des principales aventures de copy-art en France (éditions Nèpe, 1979-1984).
Elle voyage, multiplie les interventions performatives, participe à de nombreux festivals (dont Polyphonix), rencontre – et se lie d'amitié avec –
Orlan,
Jean-François Bory,
Jacques Donguy,
Charles Dreyfus, Hubert Lucot, Françoise Janicot… Et va à New York où elle se rapprochera d'Olga Adorno et
Jean Dupuy…
Parallèlement, ses addictions multiples l'obligent à de récurrents passages dans des hôpitaux, pour overdose, extrêmes fatigues et autres crises. Elle revient en France, puis repart de nouveau : New York, le Maroc, l'Inde – où la pratique des drogues se calque sur une pratique de la spiritualité – et enfin Québec, où elle s'installe définitivement.
Elle ne cesse d'écrire et publie plusieurs livres de poésie (aux Écrits des Forges, éditeur à Trois-Rivières) :
Le vent se fie au vent (coédité avec Le Graal, 1994),
Éclat redoublé (2002),
Âme sauvage (2004) et
Tentation(s) (2009). Elle décède des suites d'un cancer, à Montréal, en octobre 2011.