Numéro spécial de
Celebrity Cafe consacré aux travaux récents du poète brésilien Augusto de Campos. Au sommaire : deux préfaces de
Jacques Donguy et d'Augusto de Campos, une large sélection d'
œuvres numériques (poèmes, « intraductions », « autraductions », contrepoèmes), une postface de
Jean-François Bory et un ensemble d'annexes.
“OUTRO”, littéralement “AUTRE”, titre du dernier recueil d'Augusto de Campos dont nous donnons ici de larges extraits, est un terme musical indiquant la conclusion, synonyme de « coda », en opposition à “INTRO”. Il est aussi utilisé tel quel (“OUTRO”) à la fin des disques de musique populaire américaine, pour désigner un « bonus » ou un « extra », d'où notre choix de garder ce titre. Le terme sera repris pour ses « outraduções », « autraductions », qui ne sont pas des traductions, mais des « remix poétiques », des interprétations graphiques du texte original. […]
Les poèmes de ce recueil « OUTRO » sont à la fois graphiques et sémantiques, et se présentent sous la forme de fichiers numériques. Augusto de Campos utilise un Macintosh, un ordinateur personnel depuis 1992, date où il a été possible d'en importer au Brésil sans droits de douane prohibitifs censés protéger une industrie nationale inexistante. Un poème de lui, “PULSAR”, avait déjà été retravaillé à l'ordinateur, grâce à des amis de l'art technologique autour de Wagner Garcia, et avait été présenté en 1984. “PULSAR” avait été monté lettre par lettre, avec les étoiles à la fin. Cette utilisation d'un ordinateur portable personnel à partir de 1992 lui a permis notamment de développer, avec d'autres moyens, son travail typographique pionnier de “Poetamenos”. Il travaille aussi avec son fils Cid Campos, musicien, pour la mise en musique de ses (non) poèmes, renouant avec la tradition d'un Arnaut Daniel.
Quelle conception de la poésie chez Augusto de Campos ? Là, nous nous inspirons de propos tenus lors d'une visite chez lui à São Paulo en novembre 2016. Augusto de Campos regrette cette poésie qui se pratique à Rio de Janeiro, qui joue avec l'émotionnel, le sentimental, à l'exception d'André Vallias, qui est paulista. Il rappelle cette phrase de Lautréamont qui disait : « Oh mathématiques sévères, je ne vous ai pas oubliées ». Tout un chant pour louer les mathématiques ! Pound disait aussi que la poésie était une espèce de mathématique inspirée qui nous fait arriver à des équations pour des émotions. Et Maïakovski a dit dans un de ses poèmes qu'il voulait pour sa poésie une précision et une concision mathématiques, sans oublier Edgar Allan Poe qui, pour son poème « Le Corbeau » disait que dans la poésie, 90%, c'est de la mathématique, et le reste, de la matière la plus banale. Donc neuf dixième de mathématique, et un dixième d'éthique.
Préface de Jacques Donguy (extraits).
Editée par
Jacques Donguy, Sarah
Cassenti et
Jean-François Bory,
Celebrity Cafe
est une revue
littéraire au sens artistique du terme,
ancrant la création d'aujourd'hui – en
poésie, en
musique, en
danse, dans les arts plastiques et les pratiques
intermedia – dans les avant-gardes du début du XXe
siècle.
Augusto de Campos (né en 1931 à São Paulo) est une figure exemplaire de la
Weltliteratur. Après avoir co-fondé, avec son frère
Haroldo, le mouvement historique de la
Poésie Concrète au
Brésil dans les années 1950, très vite devenu international, il a su développer une œuvre sans concession s'inscrivant dans la lignée du
Coup de Dés de Mallarmé, des
Cantos de Pound et des poèmes de Cummings, vers un questionnement de la langue au niveau typographique et iconique (
Babœil) jusqu'à cette notion d'« Ex-Poème » ou de « Non-Poème », retrouvant par là le concept boudhiste, mais aussi de physique contemporaine, d'énergie du Vide.
Augusto de Campos est également traducteur, critique de musique et artiste plasticien. Depuis 1980, il intensifie ses expériences avec les nouveaux médias, en présentant ses poèmes à l'aide de vidéo-texte, néon, panneau électrique, hologramme et laser, infographie et événements multimédias. L'influence qu'il exerce encore aussi bien sur la musique et la poésie que sur les arts plastiques contemporains est immense.
Augusto de Campos a reçu le Grand Prix de Poésie Janus Pannonius en Hongrie en 2017.
Voir aussi
Haroldo de Campos ;
Jacques Donguy : Poésies expérimentales – Zone numérique (1953-2007).