Fascinante entreprise que l'invention du Kilo-Art, étalon suisse de mesure de l'art, par Pierre Keller en 1972-1973. En réunissant des textes de Tommaso Trini et Martine Lanini, une introduction de Clément Dirié et de nombreux documents et photographies inédits, cet ouvrage restitue l'aventure de ce projet « d'art conceptuel avec réalisation ».
S'intéresser au Kilo-Art, c'est comprendre comment un jeune artiste suisse, en croisant les leçons de Marcel Duchamp et de l'Art conceptuel américain, peut proposer au début des années 1970 une œuvre, plus subversive qu'il n'y paraît, où l'art contemporain le plus avant-gardiste rencontre le système normatif administratif, incarné ici par le Bureau fédéral des poids et mesures de Berne. C'est également revenir sur un moment fondateur de la vie de Pierre Keller, personnalité désormais incontournable de la scène artistique et pédagogique contemporaine en Suisse.
Le parcours de Pierre Keller (1945-2019) dans le champ culturel suisse et international est particulièrement riche et diversifié. Graphiste de formation, il a d'abord travaillé en Suisse et en Italie (avec Eugenio Carmi), conjugant son intérêt pour l'art optique et cinétique et à sa connaissance du vocabulaire des arts appliqués modernes. S'installant aux Etats-Unis et au Nova Scotia College of Art au début des années 1970, il découvre l'art conceptuel et réalise ses fameux « Kilo-Art » (inventant une nouvelle unité qui sera validée par le Bureau fédéral des poids et mesures de Berne...), puis s'intéresse au médium photographique en utilisant notamment le Polaroid. Dans l'effervescence du New York des années 1970-80, il côtoie Nan Goldin et Keith Haring, et débute une carrière d'enseignant, avant de devenir, dans les années 1990, le directeur influent de l'Ecole cantonale d'art de Lausanne (ECAL).