Le premier volume des écrits complets de Rémy Zaugg (1963-1968) : une approche impressionnante du travail d'écriture de toute une vie, qui montre comment le discours artistique, fait de mots, fut directement motivé par des tableaux.
« Cette suite d'esquisses montre bien que le tableau, même s'il est constitué matériellement, tire sa forme du travail de la perception. Certes, le tableau est fait par le peintre et il existe en tant qu'objet, mais il devient la propriété du sujet percevant à travers la conscience agissante de ce dernier. Le tableau fait par le peintre n'est ni le tableau perçu par le peintre, ni le tableau perçu par un tiers. Ce que l'étudiant a perçu dans le rectangle du tableau n'a certainement jamais été mis en forme de cette manière par quelqu'un d'autre, l'auteur de la peinture compris. Près d'un siècle séparait l'étudiant de Cézanne. La sensibilité, le savoir, la compréhension et les intentions des deux ne pouvaient que différer. […] Cézanne avait peint un tableau, le jeune homme esquissait un tableau perceptif. Et si je dis aujourd'hui que ce tableau perceptif n'est qu'à l'état d'esquisse, c'est parce que l'explication sensible et cognitive avec le monde n'est jamais qu'à peine amorcée, comparé au travail infini qu'est l'acte perceptif. La perception n'est pas un acte passif d'enregistrement, elle n'est pas seulement un acte de connaissance, elle est aussi un acte d'expression qui attendra toujours d'être précisé. »
Né en 1943 à Courgenay (Jura suisse), Rémy Zaugg est décédé à Bâle en 2005. Artiste majeur, également historien, théoricien et critique d'art, il laisse derrière lui une œuvre complexe (peintures, sculptures dans l'espace public, projets urbanistiques et architecturaux) marquée par une thématique de l'absence, reliée à une théorie générale de la perception.