Cette publication présente un enchevêtrement de fictions traitant de déformations physiques et de doubles, participant à former une réflexion sur la dualité de l'homme et du corps.
Le corps peut-il être vraiment monstrueux ? Les canons de la beauté imposent à notre regard les normes conventionnelles de l'harmonie, de l'unité, de l'équilibre. Mais les métamorphoses de notre corps nous acculent aussi à voir l'avènement de leurs effets internes ou externes comme des signes vivants de notre subjectivité organique. Le corps peut être pris comme un « champ de bataille » parce notre imagination trouve dans ses altérations possibles l'énergie de sa défense. C'est la coalition entre l'attraction et la répulsion des figures de sa déformation qui impulse notre instinct de vie. Si le corps est « ailleurs », comme le dit Michel Foucault, c'est que, d'une certaine façon, il demeure irreprésentable. Car le miroir qui nous offre la possibilité de saisir la représentation de son unité se lézarde, devenant un kaléidoscope de nos perceptions et de nos sensations. Cette fragmentation s'accomplit par scissiparité.
À travers un enchevêtrement de fictions, certaines drôles, d'autres surprenantes, voire inquiétantes, où sont racontées divers cas de déformations physiques ou de monstruosités (sœurs siamoises, amputations, excroissances plus ou moins mystérieuses…) mais également de doubles (gémélléité, doubles amoureux, affectifs, ou fantasmés – fantômes), les auteurs nous amènent, petit à petit à une réflexion sur ce qui, chez chacun d'entre nous, est duel. S'invente ainsi, au fil des mots une réflexion de « l'homme séparé ».
Henri-Pierre Jeudy est sociologue,
philosophe et écrivain, chargé de recherche au CNRS. Il est membre du laboratoire LAIOS. Après avoir développé des études internationales sur les patrimoines et les politiques culturelles, sur le traitement muséographique des mémoires collectives, Henri-Pierre Jeudy s'est engagé dans une réflexion épistémologique sur les sciences sociales et l'esthétisation contemporaine des phénomènes de société. Auteur prolifique de quelques vingt-cinq ouvrages, de
La machinerie patrimoniale (Sens et Tonka, 2001) à
L'art de ne pas être grand-père (Circé, 2005), membre éminent du Laboratoire d'anthropologie des institutions et des organisations sociales, directeur de thèse pour des étudiants étrangers sur des thèmes aussi improbables que « L'architecture du rien »… Bref, Henri-Pierre Jeudy est un inclassable touche-etréfléchit-à-tout. Après s'être intéressé, il y a une trentaine d'années, au début de sa carrière, avec Roger Talon, à la sémiologie du design entendu au sens large (« Cela recouvrait aussi bien les objets que les espaces publics ou les autoroutes »), il se passionne aujourd'hui pour les phénomènes de conservation et de destruction du patrimoine dans les sociétés.
Maria Claudia Galera est une écrivaine et
photographe brésilienne, docteur en Littérature Comparée de l'Université de Sao Paulo.