Au milieu des années 1990, Deborah Hay décide d'écrire une liste des enseignements reçus de son corps, ce « maître » auprès duquel elle se met au travail depuis plus de trente ans. La liste constituera la structure de son troisième livre, Mon corps, ce bouddhiste, paru aux États-Unis en 2000. À la fois témoignage sur le quotidien de la chorégraphe-danseuse, recueil de textes partitionnels et espace de réflexion sur sa pratique, cet ouvrage fait aussi le point, de manière plus programmatique, sur les concepts et les prises de position qui servent de moteur à ses expérimentations. En accompagnant la traduction de documents qui contextualisent et prolongent le texte original, cette édition en français se veut autant une porte d'entrée dans le corpus encore à défricher de la chorégraphe, qu'un manuel à l'usage d'une nouvelle génération d'artistes expérimentaux intéressés par le geste littéraire comme processus chorégraphique.
Deborah Hay (née en 1941 à Brooklyn) commence son parcours au début des années 1960 au sein du Judson Dance Theater et participe, en 1964, à la tournée mondiale de la Merce Cunningham Dance Company.
À la fin des années 1960, elle quitte New York et s'installe à Mad Brook Farm dans le Vermont, puis à Austin au Texas, où elle s'investit dans une expérimentation avec de grands groupes de danseurs non professionnels tout en élaborant une pratique solo.
Cette double approche, qui met le focus sur une qualité d'être-en-scène, allégée du seul souci spectaculaire, se prolonge dans l'invention de nouveaux formats de transmission et de création, tels les
Playing Awake ou surtout le SPCP, Solo Performance Commissioning Project, initié en 1998, dans le cadre duquel des artistes chorégraphiques signent « l'adaptation » d'un solo que Deborah Hay écrit pour l'occasion. Le documentaire
Turn Your F *king Head (réal. Becky Edmunds, Independent Dance, Routledge, 2015) documente le dernier SPCP qui a eu lieu en 2012.
Ce dispositif a eu un impact considérable pour une communauté internationale d'artistes qui redécouvrait alors la chorégraphe, tout comme les pièces de groupe qu'elle signe dans les années 2000, telle
The Match, récompensée d'un Bessie Award en 2004 et présentée en France en 2005. Suite à l'invitation du CNDC d'Angers, au moment de la direction d'
Emmanuelle Huynh, elle crée
« O, O » pour 7 interprètes français en 2006. Ses pièces sont depuis régulièrement programmées par des festivals en France :
The Match (2005),
« O, O » (2006),
If I Sing To You (2008) ou encore
Figure a Sea, commande du Cullberg Ballet (2015). Elle a reçu, de la part du gouvernement français, la médaille de chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres (2015).
En 2012, elle est la première chorégraphe invitée à collaborer dans le cadre du projet
Motion Bank, initié par
William Forsythe. Cette collaboration donne lieu à la création d'une base de données sur sa pratique chorégraphique (
http://scores.motionbank.org/dh/).
Elle a écrit quatre livres qui documentent sa démarche et donnent à lire ses partitions chorégraphiques :
Moving Through the Universe in Bare Feet: Ten Circle Dances for Everybody (Swallow Press, 1975),
Lamb at the Altar: The Story of a Dance (Duke University Press, 1994),
My Body, the Buddhist (Wesleyan University Press, 2000) et
Using the Sky: a Dance (Routledge, 2015).
Son travail a été régulièrement soutenu par le National Endowment for the Arts. Elle a reçu, entre autres, un Guggenheim Fellowship for Choreography (1983) et un Doris Duke Artist Award (2012).