Avec le Centre d'édition contemporaine, Raphaël Julliard a préparé une exposition personnelle et un livre d'artiste qui retracent sa rencontre avec l'artiste américain Richard Tuttle, figure majeure de l'art américain post-minimaliste de ces 10 dernières années. Exposé récemment à la Kunstverein de Munich, Julliard est allé à sa rencontre : Tuttle lui a accordé un entretien unique, enregistré, retranscrit et édité dans ce livre. C'est à la fois l'occasion pour l'artiste genevois de faire référence au travail d'un autre artiste qui l'inspire et représente un modèle pour lui ; une manière de questionner ce qui constitue le cœur d'une démarche artistique. L'intimité intellectuelle et la familiarité qui apparaît dans la conversation entre Tuttle et Julliard permettront à ce dernier de cristalliser les éléments qui nourriront son propre travail : une précarité formelle et une philosophie de l'éphémère semblent être partagées par les deux artistes.
Edition limitée à 100 exemplaires, avec une première et une quatrième de couverture constituées de deux leporellos de couleur rouge et jaune absinthe.
Publié à l'occasion de l'exposition de Raphaël Julliard « Chromozone », Centre d'édition contemporaine, Genève, du 19 septembre au 29 novembre 2014.
Raphaël Julliard (né en 1979 à Genève où il vit et travaille) est un artiste polygraphe. Pratiquant à la fois le dessin, la peinture, l'installation, la vidéo ou la performance, son travail part, plutôt que d'une forme et d'un concept prédéfinis, d'une impulsion initiale la plus libre et autonome possible, pour arriver à la configuration induite par cette même idée et son processus de réalisation. Son travail interroge parfois la démarche d'autres artistes, qu'ils soient des figures centrales ou moins connues. Il semble cependant s'inspirer avant tout des choses quotidiennes, petites, banales, dont l'existence est a priori classée dans la catégorie des insignifiants. Il aura ainsi rejoué la gestation d'un classique sandwich jambon-beurre, du grain semé au sandwich dévoré, en passant par l'abattoir pour le cochon et le barattage du beurre (Mon Sandwich, vidéo HD, 2010). Il aura entrepris, en collaboration avec Martina-Sofie Wildberger et Jérémy Chevalier, une recherche de l'événement proche de zéro, du geste nul, dont la vacuité produirait au final un potentiel créatif inespéré (GNIQ – le Grand N'Importe Quoi, performance, février 2011).
L'attention de Raphaël Julliard semble à la fois prolifique et précise, autobiographique et référencée (Schrödinger's Cat, 2009; ou la série Encore, 2011). La naissance d'une œuvre pourrait ainsi advenir grâce au hasard, à une action non-préméditée ni prédéterminée. Réussite ou échec, le chemin qui y mène concentrera toute l'importance et la rigueur du travail. La légèreté et une certaine nonchalance trouvent ainsi leur légitimité et leur cohérence au fil d'une démarche en perpétuelle recherche. Plus particulièrement dans sa pratique du dessin mais aussi dans les textes qui accompagnent certaines de ses pièces, Julliard met en avant le langage et le jeu de mots. Calembours, malentendus orthographiques, bizarreries phonétiques et suites de mots quasi-automatiques ajoutent un humour poétique et fragile à son travail qui, au fond, devient garant de la possibilité même d'exister.