Un examen des pratiques de dépouillement et de simplicité volontaire dans l'art.
Comment peut-on assumer la pauvreté, comment la création est-elle perçue comme dénuement ? Il s'agit de vivre et de créer avec peu, mais aussi de mettre en commun nos ressources, outils, technologies. Dans un déplacement de la notion de richesse, « toute relation qui n'est pas complètement défigurée, y compris sans doute ce que la vie organique porte en elle de réconciliation, tout cela est don ». (Theodor Adorno,
Minima Moralia)
L'artiste peut travailler par choix avec un matériel désuet, low-tech, recyclé, bon marché. Tout le monde peut réaliser son œuvre, il est remplaçable – « disposable », comme on le dit des employés de banque. Il peut aussi travailler pour donner une voix aux exilés, aux réfugiés, aux « subalternes » (Spivak) ; explorer la condition des personnes sans statut politique, sans droits civiques, sans représentation historique. Qu'est-ce que la « vie nue » (Agamben) dans une société des technologies et de la consommation ? Les artistes s'identifiant aux sans-papiers, aux déportés, aux « sauvages », aux exclus, aux itinérants ? Après un demi-siècle, nous voulons réévaluer le projet de l'«
Arte Povera » (Celant), version 2.0, dans les arts, au théâtre ou dans la rue, contre la capitalisation des ressources – et des œuvres –, contre l'appropriation de la culture par le commercial et le politique. Nous tenons à travailler sous le radar des circuits de la valorisation cultuelle, à penser en retrait de notre prétention à appréhender le réel dans une société pseudorationnelle : la « pensée faible » (Vattimo). Pour le 40e anniversaire de la mort de
Pasolini (1975), nous souhaitons écouter ce qu'il tentait de nous dire : « J'ai la nostalgie des gens pauvres et vrais [...]. » (Furio Colombo, Gian Carolo Ferretti,
L'ultima intervista di Pasolini).
Dans le long débat entre la qualité et la quantité à partir de productions «
minimalistes » ayant
Malevitch comme précurseur, le dénuement confirme le « less is more » et propose le « rien » ou encore le « non-être », rejoignant le « pas fait » de
Robert Filliou. Les pratiques du moindre comme saufconduit dans la surenchère des produits et services sont un témoignage du civilisationnel et des obligations au sein d'une sorte de démesure où se confirme un repli nécessaire, peut-être même une inutilité... Les pratiques du peu comme affirmation d'un manque ?
Plusieurs auteurs commentent et réfléchissent sur ces pratiques du moindre.
Aussi, ce numéro d'
Inter, art actuel propose un retour sur la destruction de l'œuvre de
Jean-Pierre Raynaud par la Ville de Québec ainsi qu'une critique de la dernière édition de la Biennale de Venise et du Mois Multi à Québec.
Publié par les
Éditions Intervention (confondées par
Richard Martel à
Québec) trois fois par an depuis 1978,
Inter, art actuel (anciennement
Intervention) est un périodique culturel disséminant les diverses formes,
praxis et stratégies de l'art actuel –
performance, installation,
poésie, multimédia –, tout en interrogeant les rapports de l'art au social et au culturel, au politique et à l'éthique.
Couvrant différentes manifestations artistiques et mouvances politico-culturelles internationales, directement engagé dans le renouvellement du discours sur les pratiques éphémères et émergentes,
Inter, art actuel est une tribune qui invite artistes, critiques et penseurs de la culture à prendre position (sous la forme d'essais courts, de critiques documentées et approfondies, de dossiers et de reportages, de chroniques et de comptes rendus) sur les enjeux qui touchent les pratiques de l'art actuel ou de tout domaine connexe, ainsi que sur les transformations de nos sociétés, du rituel au virtuel.