Une étude novatrice de l'œuvre de l'artiste belge, dont la pratique filmique et photographique profondément originale est livrée tout autant aux ultimes développements techniques actuels qu'aux ombres projetées – aux théâtres d'ombres – fondatrices de l'histoire des arts.
Apparu sur la scène internationale à la fin des années 1990, le travail de David Claerbout n'a cessé, depuis, de manifester sa singularité – de l'approfondir et de l'étendre. Essentiellement composé de films, mais aussi de photographies et de dessins, cet univers, façonné par une relation au temps qui transforme celui-ci en quelque chose de l'espace, est aussi une œuvre au noir : nuit, clair-obscur, ombres multiples et insistantes en font un monde de projections en grisaille, de ténèbres à explorer, autant de formes inventées pour mettre à l'épreuve les limites de notre perception.
C'est ce que s'attache à montrer cet ouvrage qui suit la logique ombreuse – et ténébreuse –, jusqu'à présent jamais relevée par la critique, structurant nombre de films à la durée et à la lenteur minérales, mais aussi nombre de photos « invisibles » de David Claerbout. Par ce biais, celui-ci affirme encore davantage la profonde originalité de sa pratique livrée tout autant aux ultimes développements techniques aujourd'hui disponibles pour créer qu'aux ombres projetées – aux théâtres d'ombres – fondatrices de l'histoire des arts. Des pièces d'ombre donc pour faire une image actuelle intimement proche de ses ancêtres autrement dit pour inventer une contemporanéité sans âge.
Le travail de l'artiste belge
David Claerbout (né en 1969) est marqué par une réflexion sur le temps, considéré comme médium artistique. Inspiré par la phénoménologie et par les écrits de
Gilles Deleuze sur l'image et le cinéma, il a développé une sorte de « photographie en mouvement » qui lui permet d'introduire des éléments narratifs dans l'image.
Entre image fixe et image en mouvement, entre photographie et techniques numériques,
les œuvres de Claerbout sont exigeantes, difficiles à « consommer » : en attendant que « quelque chose se passe », le spectateur accepte une expérience de la durée qui produit à la fois les conditions et le désir d'une réflexion sur les rapports entre la narration, l'image et ses supports technologiques.
Voir aussi :
David Claerbout.
Historien de l'art et philosophe de formation, critique d'art, commissaire d'exposition et conservateur, Thierry Davila (né en 1963) a été
directeur adjoint du musée Picasso d'Antibes, directeur par interim des musées d'Antibes de 1996 à 2001, responsable du département culturel du
musée d'Art contemporain de Bordeaux de 2001 à 2007 et
conservateur au
Mamco de 2008 à 2022.
Il collabore régulièrement à
Art Press, aux
Cahiers du musée national d'Art moderne, à
Critique d'art.
Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur l'art contemporain (
L'Art médecine (en collaboration avec
Maurice Fréchuret), RMN, 1999 ;
Marcher, créer. Déplacements, flâneries, dérives dans l'art de la fin du XXe siècle, Éditions du Regard, 2002 et 2010 ;
In extremis. Essais sur l'art et ses déterritorialisations depuis 1960, La lettre volée, 2009 ;
De l'inframince. Brève histoire de l'imperceptible de Marcel Duchamp à nos jours, Éditions du Regard, 2010 et 2019) ;
Uniques. Cahiers écrits, dessinés, inimprimés (en collaboration avec Jacques Berchtold, Nicolas Ducimetière et Christophe Imperiali), Flammarion, 2018.
Thierry Davila est l'éditeur, avec Pierre Sauvanet, aux Presses du réel, du recueil
Devant les images – Penser l'art et l'histoire avec Georges Didi-Huberman.