Monographie de référence, avec un catalogue raisonné de l'œuvre de Pascal Pinaud.
Tout le monde connaît la figure du tueur en série, qui, poussé par une fièvre psychopathe, collectionne ses victimes, les torture et les exécute. Le peintre en séries, lui, a une fièvre de création et non de mort. Il ne cherche pas à détruire mais à guérir la peinture et ce qui le pousse à enchaîner les tableaux n'est pas un trauma d'enfance ou un manque douloureux mais une entreprise obstinée : la peinture comme quête.
Où est donc la peinture ? Question absurde, à première vue, puisqu'elle est partout et qu'elle se vend bien. Celle que recherche Pascal Pinaud est d'une autre nature, plus conceptuelle : c'est une Idée de la peinture, noble et difficile à trouver, qui ne correspond pas à la passion moderniste pour la surface colorée. Elle s'identifie avec ce qu'elle n'est pas, elle se déguise sous des costumes qui changent sans cesse, et P. Pinaud la traque là où on ne l'attend pas : chez un carrossier, dans la boutique d'un vendeur de tapis, au supermarché ou simplement dans la rue. Pour être dans sa meilleure forme, la peinture a besoin, comme les rois des contes, de sortir travestie et de se confronter au peuple.
C'est ce que montre cet ouvrage, à la fois monographie et catalogue raisonné. À travers un parcours théorique et historique particulièrement attentif aux œuvres mêmes, Thomas Golsenne décrit puissamment le travail de P. Pinaud illustré par une riche iconographie. Artiste exigeant, ce dernier assume un engagement tout autant esthétique qu'éthique et politique. Il appartient à une génération qui ne veut plus s'excuser de faire « seulement » de la peinture, et qui sent en même temps le besoin de faire des tableaux « autrement ». Ce qui est une façon d'obliger le regardeur à trouver d'autres catégories pour le comprendre et l'apprécier à sa juste valeur, et pour identifier sa logique de serial painter.
Pascal Pinaud (né en 1964, vit et travaille à Nice) est un des artistes les plus talentueux de cette génération qui, à partir des années 1990, a remis en question les principes de la
peinture pour mieux continuer à peindre. Issu de l'École d'art de la
Villa Arson (Nice), il participe à l'effervescence théorique et pratique qui génèrera parmi les meilleurs artistes du moment.
Très vite exposé, il pose les principes d'une œuvre qui l'amène à travailler à des séries différentes et à associer sa création à des gestes et des méthodes de production, empruntés à l'industrie, à l'artisanat ou à certaines situations de la vie quotidienne.
Il propose alors des peintures, des sculptures, des photographies, des installations où une histoire de nos capacités créatrices et transformatrices du réel se mixe avec l'histoire des arts. Il pose ainsi la question de leurs relations entre notre environnement physique et mental et le
design, l'
architecture, une certaine poésie de l'«
every day life », une « aventure ordinaire » qui est le bien de tous. Il analyse, il déroute, il nous conduit sur des terrains où les formes permettent d'expérimenter « mille vies ». Il évoque souvent le dialogue de son œuvre avec celles de Gérard Gasiorowski,
Bertrand Lavier,
John Armleder,
Noël Dolla ou encore avec certains peintres de l'abstraction américaine des années 1980 comme Philip Taaffe ou Jonathan Lasker. Il a exposé dans de nombreux musées ou centres d'art à travers le monde, depuis le
Mamco de Genève jusqu'au
Frac Bretagne. Ses œuvres sont présentes dans de grandes collections internationales publiques ou privées, celle du Musée Ludwig à Vienne comme celle du MNAM à Paris. À chaque étape de son œuvre, il choisit une position expérimentale qui met en jeu la vitalité de l'art, celle de la vue, des gestes créatifs au sein d'une société qu'il utilise comme une source permanente d'inspirations et d'inventions plastiques.
Voir aussi
Pascal Pinaud ;
Eric de Chassey : Pascal Pinaud – Transpainting.