Creusant la perspective d'une écologie de l'art, Grégory Castéra (commissaire d'exposition), Yaël Kreplak (chercheuse) et
Franck Leibovici (poète et artiste) s'intéressent aux différents modes d'existence des œuvres. Partant du principe que celles-ci vivent aussi dans les
récits qu'on peut en faire, ils font le pari de montrer matériellement, sous la forme d'un projet conçu comme un parcours d'entraînement, les propriétés spécifiques que les œuvres d'art possèdent dans nos conversations ordinaires.
Vous êtes attablé-e avec des amis, dans un bar. Vous discutez d'une ou de plusieurs œuvres. Vous
êtes-vous déjà demandé si cette conversation participait de la vie publique de l'œuvre en question ? Si
on limitait la durée de vie d'une œuvre aux horaires d'ouverture de ses expositions, combien elle serait
réduite ! Mais prenez en compte tous les moments où elle est racontée, discutée, mise en relation
avec d'autres…
Les conversations, informelles, ordinaires, sont le véhicule qui permet à une œuvre de traverser les
âges. Elles sont un des lieux où les œuvres se transmettent, se refont, existent.
Les œuvres ont des modes d'existence multiples, et selon les modes, des propriétés, des
comportements différents. S'est-on jamais demandé quelles propriétés les œuvres avaient dans une
conversation ? Certainement pas les mêmes que dans les livres ou dans le face-à-face physique.
Et si, dans une conversation, ce n'était plus nous qui parlions au sujet d'une œuvre, mais l'œuvre ellemême
qui se mettait en action ?
des récits ordinaires voudrait explorer cette hypothèse : partir à la recherche de ces propriétés.
des récits ordinaires invite à se fabriquer une nouvelle oreille.
Pour que, dès le lendemain, dans un bar, attablé-e avec quelques amis, et discutant d'une œuvre, ou
de plusieurs, vous puissiez détecter une présence : « dans cette conversation, une œuvre est en train
de s'activer »…
Grégory Castéra, Yaël Kreplak, Franck Leibovici
Publié à l'occasion de l'exposition éponyme à la Villa Arson, Nice, du 13 avril au 9 juin 2014.
Œuvres de Ilana Salama Ortar,
Stéphane Bérard, Christopher d'Arcangelo,
Louise Bourgeois, Jana Sterbak, News Syndicate Company,
Robert Rauschenberg,
Marcel Duchamp,
Franz Erhard Walther,
Aurélien Froment,
Yves Klein, le Château de Versailles,
Daniel Buren,
Pierre Huyghe.
Portées par Jean-Pierre Cometti,
Stéphane Bérard,
Pierre Bal-Blanc, Isabelle Alfonsi,
Patrick Bernier et Olive Martin, Kobe Matthys pour Agence,
Aurélien Mole,
Ghislain Mollet-Viéville, Jocelyn Wolff, Claire Le Restif, Benoît Dagron et Sandra Terdjman.
Grégory Castéra est curateur. Il s'intéresse principalement à la construction de l'objectivité dans les pratiques
artistiques contemporaines. De 2010 à 2013, il a co-dirigé
Laboratoires d'Aubervilliers. Depuis 2013, il
travaille, avec Sandra Terdjman, au développement de Council, une agence qui s'intéresse aux manières dont
l'art peut représenter des problèmes de société. En collaboration avec Franck Leibovici et Yaël Kreplak, il
développe depuis 2010 une recherche pour représenter les écologies de l'art : (
des formes de vie) – une
écologie des pratiques artistiques, Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2012, et
des récits ordinaires, Villa Arson,
2014.
Yaël Kreplak est chercheuse au laboratoire ICAR (ENS de Lyon) et au CEMS (IMM-EHESS). Ses recherches, qui
relèvent de l'analyse conversationnelle et de l'ethnométhodologie, portent sur les rapports professionnels
ordinaires aux œuvres dans les expositions d'art contemporain, étudiés à partir de l'analyse détaillée de
situations de travail (réunions, accrochages, visites) enregistrées dans différentes institutions artistiques.
Pour analyser le fonctionnement des mondes de l'art, des objets artistiques et des conduites esthétiques, elle
s'intéresse au pragmatisme (Dewey) et à certains travaux relevant de la sociologie de l'art (Becker) ou de
l'anthropologie de l'art (
Gell).
Franck Leibovici est artiste et poète. Il développe depuis plusieurs années un
mini-opéra pour non-musiciens.
des récits ordinaires constitue une nouvelle étape d'un projet d'enquête sur l'écologie de l'art et des pratiques artistiques, amorcé avec
nos secrets en alcôves (centre Pompidou, 2009), et continué en 2011-2012 avec
(des
formes de vie) – une écologie des pratiques artistiques (Les Laboratoires d'Aubervilliers).