Dans un article publié en 1966, un texte adroit et subtil, quoique pris dans bien des contradictions encore au regard du cheminement intellectuel qui devait être celui de la critique et historienne de l'art, Rosalind Krauss sut avec intuition nouer ensemble nombre des thèmes qui, au cours des années à venir, allaient polariser réflexions et débats autour de la sculpture. Le texte est consacré au travail de Donald Judd, figure majeure de l'
art minimal tout récemment porté aux nues.
Cette étude d'Anaël Lejeune porte sur la notion de sculpture telle qu'elle s'est trouvée problématisée aux états-Unis durant la seconde moitié des années 1960 et au début des années 1970. Singulièrement,
elle envisage le travail de quatre artistes ayant œuvré au lendemain immédiat de
l'avènement du minimalisme :
Mel Bochner,
Robert Morris, Richard Serra et
Robert Smithson.
À travers leur pratique et leurs écrits, ces quatre artistes ont en effet articulé une pensée du
médium sculptural à partir d'une dialectisation de deux points de vue ou modes d'appréhension
de son objet que sont, d'une part, la vue surplombante ou totalisante, soit le géométral, et d'autre
part, sa perception fragmentaire et contingente au sol, soit le profil, notamment thématisé sous les
traits de la vue perspective. La régularité avec laquelle ces artistes ont eu recours à ce modèle ne
peut manquer de signaler la capacité dont ils le jugeaient apte à rendre compte des enjeux spécifiques
soulevés par l'objet sculptural et l'appréhension de sa spatialité.
Concomitamment, en analysant tour à tour les modalités par lesquelles les œuvres thématisent
leurs propres conditions d'existence et d'apparition, les réflexions écrites qui s'y adossent,
et les outils philosophiques convoqués à l'appui de propositions artistiques, cette étude entend
rendre sensibles certains des processus par lesquels s'élabore une forme de théorie à l'œuvre.