Edition de tête de l'abécédaire de Jessica Stockholder, numérotée et signée sous coffret, accompagnée d'un dessin original et de collages réalisés à partir de la reproduction d'un « Sex Poem » de l'artiste, Rubber up Behind the Eye Balls.
Abc Taste, The Perfect Guest est un défoulement polymorphe au travers d'un abécédaire pour adultes. Taste est un concept en extension qui évoque le décorum, les sensations olfactives, la saveur et la sympathie. En guise de couverture, Jessica Stockholder a imprimé un photomontage mauve sur une surface tactile de « Skinplast » – substance caoutchouteuse qui invite à la toucher. La structure qui maintient l'ensemble est constituée de l'alphabet, de la répétition inventive d'un trou découpé et du poème de l'artiste, The Perfect Guest, qui les accompagne.
L'alphabet de Stockholder est abstrait à l'ouverture du livre et prend forme au fil de la progression jusqu'au Z final. Les listes de mots dont elle fait bondir chaque lettre, sont badines, coquinement sexuelles et drôles. Sa palette récuse les définitions éthérées du goût pour adopter les tons des plastiques éclatants, les jaune citron, les rose fuschia et les turquoise que l'on trouve dans ses sculptures. Ses collages, bribes et griffonnages qui masquent plus qu'ils n'effacent afin que rien ne soit jamais perdu. Deux disques, l'un rouge cadmium et rose vif – sorte d'éclipse sexuelle – l'autre soleil strié d'ocre, sont visibles sur chaque double page à travers les découpes. L'ouverture augmente et se rétrécie pour donner l'impression d'une lune psychédélique qui croît et qui décline. Le poème énigmatique, The Perfect Guest, pose la question de l'identité de cet invité : l'attente même d'une présence dans la pièce, la présence/absence dans le trou en réserve, le lecteur ?
Taste se construit au prétexte de superposer les systèmes. Poésie, alphabet et mots luttent avec les langages du collage, des pastels gras et des couleurs fluorescentes. Dans cet enchevêtrement des entrées, on trouve une précision nonchalante, la cohérence du processus de travail exigeant de Jessica Stockholder et une beauté musclée.
Kate McCrickard (trad. Gauthier Herrmann)
Exposée dans les plus importantes institutions artistiques internationales, Jessica Stockholder (née en 1959 à Seattle, vit et travaille à New Haven) est connue notamment pour ses installations de grand format qui créent des tensions entre picturalité et tridimensionnalité à l'échelle de l'architecture. Ces compositions très structurées assemblant une multitude d'éléments hétéroclites permettent à l'artiste de jouer à la fois sur des contrastes et des harmonies entre couleurs, formes et matériaux.
« La pratique de Jessica Stockholder intègre un grand nombre d'œuvres monumentales qui sont le plus souvent envisagées
en fonction du site dans lequel elles sont installées. Elle réalise également des œuvres de taille plus petite, des sculptures,
mobiles par définition, qui ne dépendent pas d'un lieu précis, mais entretiennent souvent un lien particulier avec le sol
et le mur du lieu d'exposition.
Ses œuvres relèvent de l'assemblage et se composent d'éléments hétéroclites, généralement tirés du quotidien comme
des meubles, vêtements, tissus, cordes, éléments électroménagers, fruits, peintures... et provoquent souvent un effet
de surprise. Détournés de leur fonction et de leur statut habituel, les objets sont utilisés pour leur forme, matière ou couleur.
À travers ses compositions, l'artiste expérimente la combinatoire et l'aléatoire.
Incluant dans ces réalisations l'utilisation de la peinture, Jessica Stockholder explore les liens entre deux catégories
artistiques, deux modes de perception qui sont liées à la sculpture et à la peinture. Les aplats de peinture recouvrent
partiellement certains des objets, sans respecter leurs contours, et tendent à lier les divers éléments. Elle s'intéresse
au contraste en employant des couleurs souvent très vives qui tranchent avec la couleur de l'objet. Jessica Stockholder
joue ainsi sur des tensions entre matière de la couleur et couleur de la matière, abstraction et figuration, planéité
de la peinture et tridimensionnalité des objets. » (Marie Linnman et Anne-Laure Zini)