Livre d'artiste (photographies de lieux parcourus par l'artiste / autoportraits dessinés les yeux fermés).
L'œuvre de Bruno Dunckel peut être décrite comme une entreprise de sauvegarde onirique et hystérique qui
tente de combler le vide. A travers ses trente photographies et autant de dessins, il parvient à recréer un univers personnel auquel toute notion
d'horizontalité est mise à mal.
La série « Ma Situation » archive ainsi des espaces parcourus, des espaces dans lesquels il s'inscrit... Ces images figurent et attestent sa
présence ; son absence par le cadrage et le manque de repères géographiques. Evocation de l'écoulement du temps et de l'effacement. Mais
paradoxalement, de la création. Il est là. Il a été là, à cet endroit précis ; les coordonnées géographiques le confirment. L'artiste se situe pour ne pas
perdre la trace mais nous trompe par son regard enfantin et amusé. Il nous défie. La ligne d'horizon dans un tableau délimite le « haut » et le « bas ». Les courants photographiques de la Nouvelle Vision cherchaient déjà à bouleverser ces présuppositions, dont le travail de László Moholy-Nagy
en est un exemple probant. L'absence d'horizon dans ses photographies provoque notre perception et trouble le rapport du positionnement du
spectateur. C'est dans cette lignée que vient s'ajouter le travail photographique de Bruno Dunckel.
Chaque jour l'artiste utilise la feuille et le crayon afin de délimiter les traits de son visage. Les yeux fermés, ce ne sont que sa main et son esprit
qui représentent son visage. L'entassement déjoue la vie et la mort. Cette série infinie d'autoportraits ajoutés à ses photographies composent une
rythmique irrégulière mais rigoureuse. Dans la continuité
de
Roman Opalka, Bruno Dunckel propose lui aussi un projet inachevé, de toute une
vie. Une quête non finie et accomplie. Cette démarche stimulante lui permet de se sentir vivant, toujours plus vivant. Mais voir ces portraits et
photographies accumulés, n'est-ce pas l'affirmation ineffable d'un souvenir disparu ? Une réponse évidente au « ça-a-été » de Roland Barthes ?
Publié à l'occasion de l'exposition éponyme à la Galerie du jour agnès b., Paris, de juin à juillet 2012.
L'œuvre personnelle et poétique de Bruno Dunckel, développée principalement aux moyens de la photographie et du dessin, entremêle la notion de trace et d'empreinte à l'onirisme de la sauvegarde.
Graphiste et monteur de formation, Bruno Dunckel travaille également avec la vidéo.