Monographie de référence.
Confinant au récit policier, l'enquête scrupuleuse à laquelle se livre ici Jean-Claude Lebensztejn s'emploie à écrire exactement l'histoire de l'œuvre de Malcolm Morley et à la réinscrire dans celle de l'art selon des perspectives où les catégories de réalisme et d'abstraction, pour ne citer qu'elles, cessent d'être perçues contradictoirement au profit d'une analyse moins naïve de la nature de la peinture – qui fait l'objet même du travail de Morley et tout son mystère « à résoudre sans trop le dissiper ».
« Je crée un vortex dans le cortex » a dit l'artiste, et aussi : « Je peins le monde morceau par morceau en recyclant l'ordure en art. » À rebours des clichés, en voici la description et la démonstration, point par point.
Malcolm Morley (1931-2018) est entré dans l'histoire par la porte étroite de ce que l'époque (le début des années 1970) a appelé
hyperréalisme. Les premières circonstances de réception d'une œuvre relèvent souvent d'un malentendu, en l'occurrence d'un mal-vu, qui escamote la singularité d'une proposition dans la généralité d'un style. Ce mécanisme de réduction est courant et peut-être inévitable. Ce qu'il a le mérite de donner à voir en recouvrant le spécifique sous le générique comporte l'inconvénient d'aveugler aux développements ultérieurs quand ils échappent aux canons qui avaient établi la visibilité initiale. L'œuvre de Morley peut à cet égard se regarder comme un démenti constamment infligé aux taxinomies de la critique. Sa connaissance et sa reconnaissance en ont ainsi été durablement inhibées.
Jean-Claude Lebensztejn est historien, théoricien, critique d'art et écrivain, Professeur honoraire de l'Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne. Il a également enseigné à l'étranger, en particulier à Berkeley et Harvard. Auteur de nombreux ouvrages, sur l'art, le cinéma, la musique, l'animalité humaine, et généralement les frontières et les seuils, sa contribution à l'évaluation critique des sources historiques du XXe siècle est considérable.