extrait
Préface
(p. 4-6)
L'université de Paris change. Elle se métamorphose même, dans le sens où l'entendait le poète Ovide qui aurait pu conter les transformations multiples que le corps universitaire connaît depuis plusieurs années. Démembrée en 1970 par la loi Faure (1969) qui créa treize universités autonomes nées de la scission de la vénérable Sorbonne, le Léviathan universitaire connaît aujourd'hui une nouvelle mutation, plus organique. Gagnant en autonomie depuis la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi LRU) de 2007, les établissements universitaires voient s'affirmer un sentiment d'appartenance lié à une conscience identitaire de plus en plus marquée en leur sein. En témoigne la création de plusieurs associations d'anciens élèves, réseaux constitués que l'on ne connaissait jusqu'ici que dans les grandes écoles d'ingénieurs et de commerce. C'est le cas notamment de l'association Paste, qui réunit depuis 2012 les diplômés du Master 2 professionnel Sciences et techniques de l'exposition de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Faut-il voir dans ces initiatives l'émergence d'un véritable « esprit de corps » au sein de l'université ? Mais de quel corps s'agirait-il alors ? De quelle singularité serait-il l'incarnation ? Quelle serait son unité ? Ses limites ? L'épiderme le contenant ?
« S'il y a esprit de corps, il est dénué de tout désir corporatiste » répondent d'une seule voix Marie Chênel, Sokhane Toure et Pauline Toulouzou, fondatrices de Paste, soulignant que leur association est également ouverte aux intervenants de la formation, ainsi qu'à toute personne désireuse de la soutenir. C'est donc dans un corps ouvert que s'incarnerait cet esprit nouveau, sans contours ni frontière lui non plus. Un corps contemporain, capable d'hybridité, d'amputation, de greffe et de prothèse. Un corps accueillant, porteur, contaminable. Un corps sans appartenance, un corps commun. Deleuzien peut-être, dénué d'organe mais non d'esprit.
Comment incarner cet esprit dès lors ? Rendre tangible, sinon visible un corps sans image possible ? C'est le sens de la commande de l'association Paste qui, ayant recours à l'action des Nouveaux commanditaires initiée et soutenue par la Fondation de France, s'est tournée vers Claude Closky pour lui confier sa problématique.
Ce dernier y a répondu en abandonnant d'emblée l'idée d'incarnation pour lui préférer celle de l'inscription. Se plaçant dans le domaine de l'écriture et du langage plutôt que dans le règne des images, c'est par le biais de la typographie qu'il a proposé de donner corps à l'esprit de Paste. Un corps typographique faisant un lointain écho aux techniques d'enluminure, cadre ancien des premières représentations du corps humain lové dans les lettrines des manuscrits médiévaux. L'œuvre de Claude Closky permet à quiconque le souhaite de transcrire son nom dans une composition graphique qui lui est propre, à la fois déterminée et aléatoire, à partir d'un logiciel hébergé sur le site de l'association Paste. Intitulée Rectangulaire, l'œuvre permet ensuite de générer une carte de visite, opérant en définitive une métamorphose du corps plus proche de celles de Vitruve que d'Ovide par son inscription dans les contours normés d'un rectangle devenu l'emblème contemporain d'une certaine identité.
Jérôme Poggi
Médiateur agréé pour l'action Nouveaux commanditaires en Île de France (SOCIETIES / Objet de production)