Ça tourne
Barbara Soyer & Sophie Toulouse
(p. 5)
Bien sûr il y a le film. Le film d'Hitchcock, dans lequel un
homme souffrant d'acrophobie, la peur des hauteurs, puis
de mélancolie aiguë, est hanté par une femme disparue,
qu'il pense, à raison, retrouver quelque temps plus tard
dans la peau d'une autre et dont il causera finalement et
une nouvelle fois la perte. Vertige à tous les étages.
À l'occasion du tournage, Alfred Hitchcock aurait, dit-on,
inventé l'utilisation simultanée du zoom avant et du travelling
arrière pour accentuer le vertige invalidant du héros.
Et puis il y a le mot : V-E-R-T-I-G-O. Aussi beau à entendre
qu'à lire ou à dire. À vivre, c'est à voir. Un mot latin qui signifie
vertige, éblouissement, étourdissement. Vertige des sens, de
l'amour, peur du vide ou du trop-plein, le vertige envoie tout
valdinguer. Il trouble tout sur son passage. Il tétanise ou exalte,
c'est selon. Certains disent qu'il a tout à voir avec l'oreille
interne. D'autres qu'il en dit plus sur la peur de sauter que de
tomber. Question de point de vue.
Et il y a ce qu'en disent et ce qu'en font les artistes invités
de
The Drawer. Leur idée du vertige, leurs vertiges dessinés,
leurs réponses à ce Vertigo proposé : les portraits singuliers
de Judy, John, Madeleine et Marjorie, les personnages du film,
par Dorian Jude ; les scènes fantastiques et tronquées de
Nik Christensen ; les noirs et blancs denses et
cinématographiques d'
Hans Op de Beeck ; les funambules
terrorisés de Paul Davis ; les talons interminables du designer
Pierre Hardy ; la Kim / Kara Novak de
Jacques Floret ; les arrêts
sur images de
Lamarche & Ovize ; les dessins à vif de
Florence Reymond… Au total, une trentaine de propositions
qui naviguent entre haut et bas, vide et plein, équilibre et
déséquilibre et qui donnent à ce troisième volume de
The Drawer une intensité particulière, sinon vertigineuse.