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Éric Troncy
(p. 294)
Bien sûr ça n'est pas grave,
d'ailleurs rien n'est
grave. Au mois de juin
2012, trois mensuels
français – enfin disons,
les trois mensuels français
consacrés à l'art
contemporain – choisissent
sans se concerter la
même image pour la couverture
de leur édition du
mois. Trois fois
Betty (1977) de
Gerhard Richter.
Pas un mauvais tableau, hein, d'ailleurs,
mais quand même. Ah ! La violente fascination
exercée par
Richter ! Il faut dire que
de longue date le Centre Georges Pompidou
n'avait pas accueilli une exposition à ce
niveau d'ambitions. Trois couvertures identiques,
donc, symptôme parfait non pas
tant de l'uniformisation de cette presse que
de ses façons de faire. On travaille avec les
images de presse, la « bonne » couverture
s'impose d'elle-même puisque tout le
monde a à peu près la même perception des
choses. Vision terrible d'un renoncement à
être singulier, preuve tangible de la volonté
d'être conforme.
Qui nous conforte dans la décision prise de
longue date, à
Frog, de ne pas utiliser les
images de presse, de produire nos propres
images. Accessoirement des images avec
des gens.
Et dedans, quoi ? A l'exception notoire de
Art Press, où Catherine Millet parle avec
Robert Storr,
Beaux-Arts Magazine et
Arts Magazine (les titres aussi sont farouchement
similaires) publient ce qu'aujourd'hui
on trouve sans problème sur internet, une
sorte de notice wikipedia mollement améliorée,
le genre de texte qui serait tout à fait
à sa place dans un magazine de mode, pour
donner les premières informations, mais
qui étonne dans des magazines d'art. Celui
dans
Arts Magazine n'est même pas signé, il
s'est probablement généré seul.
Qui nous conforte dans la décision prise de
longue date, à
Frog, de faire parler les
auteurs à la première personne du singulier,
à raconter une expérience plutôt qu'à
« professorer ».
Et puis il y a l'actualité, ce démon, qui veut
que le magazine paraisse en même temps
que l'exposition, donc les textes précèdent
l'exposition. On écrit sur ce que l'on ne voit
pas, et ainsi aucun avis n'est à produire.
Qui nous conforte dans la décision prise de
longue date, à
Frog, de parler après les
expositions, longtemps après s'il le faut,
mais d'en penser quelque chose.