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Editorial
Raphaël Brunel et Anne-Lou Vicente
La voix n'apparaît pas comme une évidence lorsqu'il s'agit de parler du son. Pourtant, sans remonter au cri originel, n'en est-elle pas l'un des premiers générateurs ? À l'instar du son ou de la lumière, elle revêt paradoxalement une dimension tant immatérielle que sculpturale. Sa présence, dans l'espace comme dans le temps, recoupe la notion de volume et de propagation.
La voix recèle de multiples ambivalences. Elle véhicule, par le biais de la parole, un discours plus ou moins construit relevant du langage normé, mais constitue aussi, dans un registre plus bruitiste – cri, rire, onomatopée, etc. – , une forme d'expression que l'on pourrait qualifier d'instinctive ou de « primitive ». Elle suggère par ailleurs une absence de parole liée à un mutisme et/ou une surdité pathologiques, ayant entraîné le développement d'une langue spécifique passant par le geste.
Si l'art est une forme de langage, certains artistes – empruntant à l'occasion la figure du conteur – utilisent la voix comme médium et vecteur de narration, notamment à travers la performance. Le public témoigne alors d'un acte de communication cherchant à détourner les logiques du langage ou à en éprouver les règles, parfois jusqu'à l'absurde. La dimension live de ce type d'œuvres fait marcher à plein régime le pouvoir d'énonciation de la voix, qui peut également s'exercer, dans une veine plus conceptuelle, par l'activation d'une pièce textuelle au moyen de la transmission orale. A priori antagonistes, oralité et écriture entretiennent pourtant une réelle correspondance dans leur rapport au langage, lequel peut s'avérer porteur d'un engagement esthétique, poétique et/ou politique.