Née en 1947 à Newtown, près de Philadelphie en Pensylvanie, Martha Wilson grandit dans une communauté Quakers. Afin de poursuivre ses études, elle quitte les États Unis en 1969 avec son petit ami de l'époque pour Halifax au Canada. Lui s'inscrit en école d'art à la Nova Scotia College of Art and Design (NSCAD) et Martha poursuit, quant à elle, un cursus de littérature anglaise. Elle fréquente alors la communauté artistique du NSCAD ainsi que les différents artistes intervenants qui auront une influence déterminante sur son travail.
Dès 1970, à la suite d'une rencontre décisive avec le travail de
Vito Acconci qui lui recommande la lecture de
The Presentation of Self in Everyday Life d'Erving Goffman, Martha Wilson envisage concrètement une carrière d'artiste. À la suite de différents événements, elle devient professeur d'anglais à la NSCAD et y découvre les ressources qui lui permettront d'amorcer sa pratique.
Pendant près de quatre ans, influencée par l'
art conceptuel en vogue à l'époque, Martha Wilson développe une pratique utilisant littéralement son
corps et sa subjectivité comme support principal, tout en ayant recours à l'écriture. Son œuvre est alors traversée et nourrie des théories
féministes et comme d'autres femmes artistes, Martha Wilson attire immédiatement l'attention de Lucy Lippard qui, dans son ouvrage majeur
From the Center: Feminist Essays on Women's Art, contextualise les premières œuvres de l'artiste dans le cadre de la pratique conceptuelle.
Alors basée au Canada, Wilson commence à collaborer et à correspondre avec des artistes femmes notamment Jacki Apple, Rita Meyers, Alice Aycock, Suzy Lake et
Simone Forti ainsi que d'autres artistes new-yorkaises. En 1973, elle s'installe définitivement à New York où elle rencontre un accueil chaleureux de la part de la communauté artistique.
En 1976, Martha Wilson fonde le Franklin Furnace dans le but de présenter le travail d'artistes et de livres d'artistes qui, s'ils existent déjà, ne bénéficient d'aucun espace de monstration ou de conservation. Cet espace autogéré par les artistes se concentre sur l'exploration de l'avant garde et la promotion des livres d'artistes, de l'installation artistique, de la vidéo et de la performance.
La même année, son travail prend un tournant encore plus performatif et elle fonde DISBAND, un groupe de femmes artistes ne sachant jouer d'aucun instrument, parmi lesquelles Barbara Ess, Ilona Granet, Donna Henes, Daile Kaplan, Barbara Kruger, Ingrid Sischy, Diane Torr. DISBAND existera jusqu'en 1982.
Parallèlement, Martha Wilson commence son travail de performance live en se grimant en homme politique ou en
First Lady, déclamant discours parodiques, chansons et élocutions grinçantes qui resteront jusqu'à aujourd'hui caractéristiques de son travail, comme en atteste les œuvres récentes figurant Mélania et Donald Trump.
Le travail de Wilson est aujourd'hui considéré par beaucoup comme préfigurant certaines des idées de
Judith Butler, elles-mêmes inspirées de celles de John Langshaw Austin, sur la performativité du genre.
Précurseur, son travail constitué de photographies, de textes et de performances, pointe vers des territoires conquis ultérieurement par d'autres artistes contemporaines, comme
Cindy Sherman ou
Martha Rosler. Son rôle en tant qu'artiste, mais aussi en tant que fédératrice à travers la création de la Franklin Furnace Archive ou du groupe DISBAND, lui vaut d'être décrite par le critique d'art du
New York Times, Holland Cotter, comme étant une des personnes les plus emblématiques du monde de l'art à Manhattan dans les années 1970.