Pour Nina Childress (née en 1961 à Pasadena, USA, vit et travaille à Paris) peindre est « une chose qui va de soi ». C'est aussi une affaire de famille qui lui permet, enfant, de s'exercer la main et le regard au contact d'un double héritage, antagoniste, celui de l'abstraction et du portrait réaliste. Au vu de l'impressionnant corpus de peintures réalisé depuis qu'elle est artiste, il apparaît évident qu'entre ces deux influences elle n'a pas souhaité prendre parti. Dans son œuvre, les ruptures de style semblent se faire de manière programmatique. Des grisailles séduisantes et virtuoses côtoient des monochromes fluo stridents ; des aplats, cernés ou non de noir, font place à des rendus hyperréalistes, eux-mêmes précédés d'effets de flous qu'elle désigne par les néologismes Flounet ou Blurriness. Elle découvre sa famille artistique dans les années 1980, lorsqu'elle rejoint le groupe Les Frères Ripoulin, composé de
Pierre Huyghe,
Claude Closky, Jean Faucheur, Ox, Bla, Manhu, Trois carrés, qui traduisent au moyen d'une peinture décalée, colorée et flashy, les mots d'ordre qu'ils se donnent. Lorsque la peinture semble devenue un medium obsolète et régressif, N. Childress continue de peindre et déclare, non sans ironie, vouloir « réussir à inventer une peinture à la fois conceptuelle et idiote ». Les thèmes décomplexés qu'elle aborde, l'amènent à couvrir les cimaises d'objets du quotidien, ordinaires et communs, agrandis, façon pop art, à une échelle monumentale : boîtes Tupperware, savons, peintures pour chiens et pigeons, bonbons, jouets, hair-pieces, qui excluent toute narration et représentation humaine et permettent d'enchaîner les tableaux en séries. En abordant des sujets plus complexes, N. Childress crée une peinture fondée sur des antagonismes forts, mêlant le beau/le laid, l'autorisé / le dissident, le convenable/le déclassé, l'harmonieux et le dissonant.
Sophie Costes