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Note éditoriale
Joël Daire
(p. 9-10)
Ce volume des écrits complets de Jean Epstein rassemble les principaux textes philosophiques du cinéaste publiés après-guerre, à commencer par deux de ses ouvrages majeurs : L'Intelligence d'une machine et Le Cinéma du Diable.
Après être resté dix années sans publier (1935-1945), au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Jean Epstein reprend une intense activité d'écriture et de collaborations éditoriales qui perdurera jusqu'à la veille de sa mort. Cette activité prend d'autant plus d'importance qu'il tourne peu : deux courts-métrages (Le Tempestaire, Les Feux de la mer), un film institutionnel coréalisé avec Edmond Floury (Efforts de productivité dans la fonderie), et une contribution à une coproduction franco-norvégienne (le prologue français de La Bataille de l'eau lourde de Jean Dréville et Titus Vibe-Müller) constituent l'ensemble de ses réalisations durant cette période. Sa santé se dégrade rapidement à partir de 1946 et ne lui permet d'ailleurs plus d'assumer un tournage dans des conditions normales après 1948.
Dès le milieu des années 1930, Epstein avait posé les prémisses d'une philosophie du cinéma dans plusieurs études publiées en revues (voir volume III de notre édition). L'un de ces textes, paru en 1935, s'intitulait Intelligence d'une machine. Le cinéaste va mettre à profit les années de guerre, qu'il passe à Vichy et à Lyon au service de la Croix-Rouge française, pour développer son propos initial. Dans l'impossibilité de tourner (sa carte professionnelle lui ayant été retirée dès novembre 1940), il écrit L'Intelligence d'une machine dont le manuscrit est achevé début 1945. L'ayant fait lire à son ami Charles Ford, critique et historien du cinéma qui s'apprête à publier un Bréviaire du cinéma, celui-ci conseille à son éditeur, Jacques Melot, qui souhaite développer une collection de livres sur le 7E Art, de contacter Epstein pour obtenir le manuscrit de L'Intelligence d'une machine. L'ouvrage sera édité par Melot en janvier 1946.
Courant 1945, Jean Epstein est sollicité par l'Institut des Hautes Études Cinématographiques (IDHEC), fondé en 1943, pour assurer un cours d'histoire et d'esthétique du cinéma. Il en accepte la charge et donne sa première leçon en novembre 1945. Deux autres séances suivront, avant que le cours ne s'interrompe, faute d'un auditoire suffisant. Jugé trop théorique, trop philosophique, l'enseignement d'Epstein ne correspond pas aux attentes plus techniques des étudiants de l'IDHEC. Le cinéaste utilise en partie la matière de ce cours interrompu pour écrire un nouvel essai intitulé Le Cinéma du Diable, brillante réflexion sur la manière dont les images animées modifient notre manière de penser et notre perception du monde. Jacques Melot publie ce nouvel essai en 1947. Mais sa maison d'édition fait faillite peu de temps après. Malgré ses efforts pour faire publier ses essais suivants (Esprit de cinéma, Alcool et cinéma), Epstein devra se résoudre à les laisser inédits à sa mort, aucun éditeur n'ayant accepté de prendre le risque de les publier. Nous réservons ces textes aux volumes VI et VII de la présente édition.
Ce sont deux revues littéraires, Les Temps modernes et Le Mercure de France, qui assureront la publication, en 1950-51, de plusieurs études importantes dans lesquelles Epstein poursuit sa réflexion philosophique sur le cinéma : « Le Monde fluide de l'écran », « Le Film et le Monde », « Cinéma, expression d'existence ».
Le présent volume propose enfin différents articles plus circonstanciels écrits par Epstein entre 1946 et 1949 pour répondre aux sollicitations ponctuelles de certains journaux, grand public ou spécialisés, comme Spectateur de Jean-Paul Le Chanois, Opéra ou Le Figaro littéraire.