excerpt
(p. 170)
Fil de fer. Amanites sèches. Sabots de crabes. Cartons usagés ayant bu des décoctions
bleues et vertes et de soufre et d'argent. Lambeaux de tôles métalliques
pliées. Tu attends en serrant sous tes aisselles tes mains noircies de crasse et de
sang séché. Des odeurs de fromage et de moisissure s'échappent du sol. La lumière
est cramoisie. Tellement qu'il est impossible que tu distingues les dimensions de la
salle. Lorsque tes yeux s'habituent à l'obscurité il semble que tu puisses reconnaître
des carcasses carbonisées de roues de chariot et de peaux et de jantes rouillées et
fendues maintenues par des branches tressées sous de vieux journaux et des plastiques
noirs et d'où pendent, comme les objets d'un rite oublié, de fines tranches de
viandes durcies par le temps sur lesquelles brillent encore des restes de pépites de
sel et qui forment au-dessus de toi une pléiade d'étoiles éteintes et sans âge dont la
lumière s'étire sans force au faîte de la voûte qui est ton dernier ciel. Tu attends,
sans arme, une peur fébrile nouant tes entrailles, l'espoir que quelque onguent de
sorcière ou sacrement infidèle ou drogue ou magie ou vin ténébreux ou peut-être
simplement quelques mots pourront te redonner ce que tu appelleras un avenir.