COMME SI L'INSPECTEUR CLOUZOT
Åbäke, 2010
(p. 26-27)
19 février 2010
Nous sommes dans le studio de Ryan
Gander à Saxmundham et travaillons sur
Catalogue raisonnable volume 1, un livre
contenant d'une manière ou d'une autre
10 ans d'activité de l'artiste. Ce dernier
est prolifique et comme on veut le livre
exhaustif, on lui demande régulièrement
de concevoir ses œuvres moins vite, juste
le temps de finir la publication. Nous
sommes en retard et d'un jour a l'autre
le financement s'annule ou redevient
possible. Tant pis, on continue quand
même car ce projet a commencé il y a
deux ans et il a été mis au placard trop
de fois. Cette fois-ci on le finira même
s'il n'y a pas les sous pour le faire exister
en papier.
11 mars 2010
Éric Mangion, directeur du centre d'art
de la Villa Arson à Nice qui a accueuilli
une exposition monographique de Ryan
en 2009 propose de faire un catalogue.
Ryan nous demande et on dit oui mais
sans faire très attention car on est encore
loin d'avoir fini
Catalogue raisonnable.
On oublie aussitôt, donc.
4 juin 2010
Catalogue raisonnable volume 1 qui inclut
environ 500 pièces va à l'impression. On
boit un coup et on se souvient de l'autre
livre à faire. Le problème est double : avec
le livre que l'on vient de terminer on a mis
toutes nos idées sur la question Gander
en général et il contient l'ensemble de
l'exposition de Nice en particulier. Une
solution possible, ressortir le même livre
mais en effaçant les œuvres qui n'étaient
pas à la villa. On rit mais on est sérieux.
10 juin 2010
On en discute avec Ryan et il nous raconte
la résidence, les pièces qu'il a conçues sur
place avec des étudiants etc. On décide
qu'il faut y passer du temps nous-même
en espérant que ça tombe en été.
11 octobre 2010
On arrive a Nice et on fantasme sur ce
que l'on vient y faire. Nous sommes le
détective de Element of crime (Lars Von
Trier, 1984) qui revisite les lieux du crime
et se met dans la peau du tueur en série.
Très vite on s'aperçoit qu'il s'agit plus de
Columbo car après tout, on connait déjà le
crime : l'exposition. Ce que l'on veut savoir
c'est comment Ryan en est arrivé là.
Il nous rejoindra le dernier jour pour faire
le point et manger des merguez et des
daurades sauvages sur le barbecue.
Alexia Nicolaïdis et Céline Chazalviel nous
reçoivent et nous sommes abasourdis
par le fait qu'elles connaissent les œuvres
par leur titres. On remarque qu'Alexia a
épinglé sur le mur de son bureau le carton
d'invitation de Ryan (
My Family before me,
2006) tandis que Céline nous montre au
mur du bureau d'Éric Mangion, absent ce
jour-là, l'affiche de
The Die is cast.
Patrick Aubouin, régisseur des expos
nous parle de la professionalité de Ryan
et que vraiment, l'un des seuls problème
a été d'éviter que le sol de l'exposition
ne soit brulé par une des pièces. Anne
Séchet, professeur de sérigraphie de
l'école qui a réalisé une des œuvres nous
dit qu'elle l'utilise à titre d'exemple dans
son cours. Malgré la nature anecdotique
de ce que l'on nous dit, on comprend que
Ryan a vraiment passé du temps et utilisé
pleinement les éléments qui constituent
la Villa Arson : un lieu d'exposition,
une résidence et une école d'art. Tout
le monde se souvient de lui en termes
élogieux, c'est louche.
L'exposition est finie depuis un an et
aujourd'hui, on visite la galerie, occupée
par une exposition monographique de
Roman Ondák. C'est different mais on
sent un lien avec le travail de Ryan. Il y a
beaucoup de pièces pour la surface, on
pense. Pour se familiariser avec ce qui
n'est plus là, nous décidons de prendre
des photos de la galerie en suivant les
photographies documentaires que le
photographe attitré de la Villa, Jean
Brasille, avait prises de
The Die is cast.
(*)
On ne dort pas dans le même studio que
Ryan avait occupé mais dans un studio
similaire. Une unité d'habitation
brutaliste avec l'accent du sud mais à
l'évidence la cuisine est aménagée par
quelqu'un qui n'en fait pas. On passe
deux nuits sans s'apercevoir qu'il y a des
volets automatiques.
12 octobre 2010
On rencontre Éric Mangion. On fait la
remarque de la possible affiliation
de
Roman et Ryan, Éric nous corrige
tout de suite : peut-être de manière
formelle mais les préoccupations sont
totalement différentes.
*
13 octobre 2010
En passant du temps dans les archives,
on arrive à retracer assez clairement le
parcours de Ryan en France qui semble
accueillir de façon très favorable son
travail. Nous sommes donc persuadés
qu'il faut que ce livre soit français avec
un accent de Nice. Dorénavant, nous
n'écrirons plus ces notes mais elles seront
directement traduites dans les pages de
la publication.
* Les photos en noir et blanc† dans les pages suivantes sont des prises de vues de l'exposition
Shaking horizon de
Roman Ondák (2 juillet – 17 octobre 2010).