Cette édition, à la croisée du catalogue d'exposition et de l'essai critique, abondamment illustrée, accueille les contributions d'une quinzaine d'auteurs invités autour des expérimentations d'Anne-Valérie Gasc sur la disparition architecturale.
Ni la violence, ni le spectaculaire ne définissent le travail d'Anne-Valérie Gasc. Pourtant c'est bien la notion même de destruction qui en constitue l'enjeu. L'artiste envisage ce processus comme un outil destiné à provoquer une modification de notre perception du réel. Anne-Valérie Gasc élabore des stratégies précises de démolition (onde de choc, sabotage hydraulique, affaiblissement de structures, embrasement) qui mettent en crise la certitude de nos espaces construits. Ses œuvres sont autant de dispositifs qui impriment ou filment à l'aveugle, logeant l'avènement de l'art dans ce qui échappe au prévisible et au contrôle. Ce principe de création traduit chez l'artiste une volonté d'interroger notre époque dont les ambitions sociales et politiques, d'apparence généreuses et modernistes, semblent inévitablement s'effondrer.
L'exposition monographique à l'Espace d'Art Concret (EAC), dont l'ouvrage est conçu comme un complément et un prolongement,
présente la série Crash Box, expérimentation vidéo qui donne à voir, de manière inédite, des bâtiments démolis par foudroyage depuis un point de vue intérieur, au plus proche des charges explosives. Les images ainsi capturées manifestent, dans le presque rien à voir de l'effondrement, l'échec du projet social porté par cette architecture de la reconstruction.
L'ouvrage se partage en deux sections retenant divers points à la fois complémentaires, autonomes et indépendants. Chacune rassemble un « contenu » éditorial spécifique n'obligeant pas la relation à la seconde pour s'en trouver à la fois cohérente et consistante.
Conformément à la volonté de l'artiste Anne-Valérie Gasc d'échapper, d'obvier à la figuration et représentation (notamment par l'image), la première section est alors exempte de tout contenu iconographique. Cette dernière consiste en un recueil de « voix » polyphoniques traitant des œuvres produites par Anne-Valérie Gasc et abordant les notions de figurable, de représentation et d'image (entre autres). Quant à la seconde section, celle-ci est, à l'inverse donc et complémentairement, consacrée exclusivement aux images. Ces dernières, principalement photographiques, sont extraites de l'exposition.
Par une composition graphique et éditorial originale de ces deux sections, se déploie un dispositif de lecture en miroir : à l'une constituée de mots, de textes analysant via le langage les statuts et fonctions de l'image ainsi que sa dispensable visibilité, correspondent, en écho ou renvoi, les ressources « images » de l'autre (ne comportant que le minimum d'annotations et mentions légendées utiles).
Publié à l'occasion de l'exposition éponyme à Espace d'Art Concret, Mouans-Sartoux, de juilet à octobre 2022.
Anne-Valérie Gasc (née en 1975 à Marseille) est résidente à la Friche la Belle de Mai, où se situe son atelier. Son travail tisse un lien contradictoire entre les conditions d'apparition d'une œuvre d'art et celles de la disparition de l'architecture.
Pour Anne-Valérie Gasc, faire œuvre relève d'une fulgurance – celle d'un événement durant lequel, à raison de quelques secondes, le réel nous échappe et l'ensemble de notre rapport au monde est mis en difficulté. Son travail suit cette quête utopique : proposer et partager un instant de dessaisissement du réel. Ses pièces sont pensées comme des oxymores où, notamment, ce qui est rendu visible est, simultanément, livré comme insoutenable au regard. C'est dans cette contradiction fondamentale que se pose, pour elle, la question de l'avènement d'une œuvre d'art.