Duchamp avec (et contre) Lacan – Essai de mutologie queer

Quelques grands fous littéraires s'en mêlant (Brisset, Roussel, Jarry, et… Lacan), ce serait la grande leçon en Duchamp du signe : on ne fait pas d'enfant dans le dos de Duchamp, c'est lui qui vous en fait… après qu'il en eût fait plus d'un dans le dos de l'art, assigné au contemporain d'un champ qui sera du signe du sexe. Avec confusions en tout genre – et de tous les genres. 
On pourra dire que ce sont des jeux de mots à la con. Sauf qu'ils sont porteurs de ces (non-)œuvres qui, pour une part, doivent rester inacceptables comme art pour manifester un « écart » dont la théorie (antiscientifique, antiphilosophique, antipsychanalytique) se montre et se démontre pleinement intégrée à l'œuvre. Un dispositif opérationnel et spéculatif étourdit la « décision du sens » des mots autant qu'il défie les attraits d'une esthétique pour leur substituer la déterritorialisation la plus crue et la plus sophistiquée de la ritournelle readymade ou readymale de la sexuation.
Nous nous sommes donc exposés dans cet essai en « charnière » qui marie une espèce de roman policier (le R. Mutt signant l'urinoir serait le pseudo en miroir de la déesse Mut d'un Freud américain) à une sorte de science-fiction (avec machines volantes et montres molles redressées par Lacan)  faisant si bien « trou » dans le dicible du « champ freudien » que nous y avons trouvé matière à mutologie queer.
Ce qui est, à tout prendre, conforme au « renvoi miroirique » de tous les signes empruntés à grande allure par Duchamp pour les soumettre aux Litanies du chariot en faisant machine désirante d'une Rrose Sélavy aux excentricités innombrables.
C'est aussi que Duchamp pourrait bien être l'Autre de Lacan, même. Ou encore : « a Guest + a Host = a Ghost ».

« L'intérêt du livre que le philosophe Éric Alliez, spécialiste reconnu de Deleuze et de Tarde, consacre à Duchamp, est de proposer du parcours et du travail de ce dernier une interprétation qui emprunte aussi bien à l'esthétique, à la psychanalyse et à la philosophie, et évite les apories des lectures cherchant à réinsérer dans l'histoire de l'art ce qui de Duchamp lui reste irréductible. À la suite d'André Breton, Éric Alliez insiste sur la puissance d'indétermination inhérante à la démarche de Duchamp qui présente selon lui pour vertu d'interroger de manière radicale la notion même de genre artistique et, plus frontalement encore, le principe de non-contradiction qui régit, au cœur même du modernisme, les « typologies discursives » à travers lesquelles les œuvres se donnent à voir et à penser. »
Nicolas Poirier, Artpress

« La lecture exhaustive des textes pratiquée ici devient en quelque sorte une méthode d'analyse, menée dans la perspective de l'exploration d'une archéologie non binaire de l'art contemporain, entreprise à l'œuvre dans les textes d'Alliez prequel déjà à propos de Marcel Duchamp, dans Défaire l'image. De l'art contemporain (2013). [...] Véritable intertexte, le livre est un lieu hanté d'hôtes, Duchamp, lecteur de Freud, Lacan, Deleuze, Guattari, mutologique à force d'hybridations [...] : Éric Alliez remet ici dans une perspective nouvelle les lectures duchampiennes, renouvelant les interprétations des œuvres à l'aune de la psychanalyse. [...] Soit un livre-dispositif [dont la maquette] spatialise et cartographie parfaitement ce qui se joue à la fois au plan des enjeux théoriques et au plan du rythme de l'écriture d'Éric Alliez, qui invente un essai science-fictionnel à la Jules Verne avec des jeux d'emboîtements et de chausse-trapes à l'infini : [...] une perspective post-conceptuelle, sur le mode uchronique de la Science-Fiction, une définition de l'art-pensée contemporain. »
Pascale Cassagnau, Chimères