Le récit halluciné de l'« entase », une plongée en chute libre dans le vortex de l'introspection numérique et de la « blackness » poético-militante.
Rêverie numérique, plongée fantasmatique dans le torrent de pixels, revisitation du mythe d'Ophélie, le texte d'Eden Tinto Collins surfe les « app » et vampirise la « novlangue techno » dont elle rit des dérives et des tics langagiers. Bonne arrivée ou la Numination est un conte contemporain, une fantaisie cyborg qui mixe les soifs d'escape et les angoisses identitaires d'une époque hantée par un cloud de plus en plus fantomatique et menaçant où tout semble se distordre et s'évanouir. L'auteure est une grande créatrice de néologismes mi Sci-Fi, mi nerd, mi argot de banlieue, qu'elle intègre – ni vu ni connu – dans le flux d'un sabir flamboyant. L'« entase » en est un exemple sublime, qui résume les désirs d'émancipation d'une génération algorythmée dont les seules lignes de fuite semblent être les contaminations poétiques d'une matrix réenchantée.
« Flottant ainsi dans le tumulte qu'exige la compréhension de la qualité des choses cachées, mon corps noir m'entraînait au plus profond de sa matière volatile, dans l'espoir qu'un jour, je puisse m'en sortir; pas en cavale, pas par la cage d'escalier, ni en volant à l'étalage, mais par l'ascenseur, celui qu'iels disent social et, pour ça, je devais me retrouver, en pleine conscience, exister. »
« Fraîches Fictions » est née d'un désir partagé par la maison
d'édition Zéro2 et le centre
d'art des Bains-Douches à Alençon, d'accueillir des
textes d'artistes,
prenant acte de la multiplication, sinon de la prolifération des écrits
d'artistes plasticiens et du manque dramatique de supports pour accueillir
une pratique susceptible de renouveler en profondeur les formes
poétiques
et
littéraires. Conjuguant
leurs efforts, leurs réseaux et leurs moyens, les deux structures,
grandement au contact des jeunes artistes (mais aussi des moins jeunes) ont
décidé d'offrir à ces derniers un espace pour accueillir leurs écrits. Au
rythme d'un ouvrage par an, puis bientôt de deux, les fondateurs entendent
bien poursuivre le projet de réaliser un inventaire, certes très incomplet
mais néanmoins très actuel de l'écriture
made by artists !
Le graphisme de la collection a été confié à l'équipe
bruxelloise de Sunny-Side-Up, qui a concocté un design épuré avec une
couverture bleu teintée dans la masse qui évoque la fraicheur de l'eau, avec
un embossage, seul élément de fantaisie, qui fait ressortir le titre de
l'ouvrage. Les deux « F » du monogramme apparaissent comme les deux altières
gambettes sur lesquelles galope la collection ou encore les deux drapeaux
qui flottent au vent de l'aventure. Dixit les graphistes, les ouvrages de
« Fraîches Fictions » jouissent d'« une mise en page aérée et d'une
typographie qui emprunte aux classiques leur confort de lecture. »
Eden Tinto Collins (née en 1991, vit et travaille à Paris) a développé sa pratique des arts plastiques en passant par l'École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy, mais aussi en stage au Ghana dans la structure dirigée par Bibie Brew le New Morning. Poéticienne hyper média, elle explore en collaboration les notions de réseaux et d'interdépendance, les f.r.ictions et les mythologies. Ses dispositifs relationnels et noétiques (pour mettre en relation la pensée et l'esprit) prennent place dans le spectre de la performance et du cinéma, expérimental. Elle apparaît dans plusieurs groupes comme le Gystère live Gang, le collectif Black(s) to the Future et Yoke, ainsi que dans plusieurs projets de film, de spectacle et de performance (Le Goubernement de Liv Schulman, Méthylène de Ferdinand Coste, Keepin it real de Malique Lee Moor, Alpha Ville Noir, Eine Romanze, Late October de Miles Greenberg). Elle se forme au conservatoire du 17e arrondissement à Paris en chant Jazz et développe son projet d'ensemble. Un groupe à échelle variable, oscillant entre poésie, net art, performance in situ et opéra de l'espace.