Un essai autour du mythe de l'I.S., à la fois entreprise de radicalisation politique, tentative de conciliation pratique entre dimensions esthétique et sociale et participation paradoxale à l'écriture d'une légende qui continue à fasciner.
Le 28 juillet 1957, l'Internationale situationniste fut fondée à Cosio d'Arroscia en Italie. Jusqu'à sa dissolution en 1972, le collectif emmené par Guy Debord eut pour ambition le renversement de la société capitaliste afin de passionner la vie quotidienne. Si le parcours de cette avant-garde a souvent été interprété sur le mode d'une progressive radicalisation politique, il reste que sa praxis chercha toujours à concilier les dimensions esthétique et sociale. Délaisser la production d'œuvres était une manière d'affirmer la nécessité de la création de soi. La liberté que l'artiste moderne s'était octroyée depuis la fin du XIXe siècle devait trouver sa plus belle postérité dans l'organisation des Conseils Ouvriers qui devait mettre fin à la culture de classes. Ainsi, l'I.S. s'engagea-t-elle dans une aventure qui la vit combattre le phénomène de la consommation de masse perçue comme une redoutable machine aliénante. De la Guerre d'Algérie à Mai 1968, elle tenta de redonner au projet d'autonomie individuelle sa vérité alors que le conditionnement moderne – le spectacle – paraissait plus fort que jamais. De nos jours, pareille entreprise anthropologique peut être décrite tel un mythe brisé dans la mesure où les situationnistes ont participé de manière paradoxale à l'écriture d'une légende qui continue à fasciner.
Docteur en histoire de l'art, Fabien Danesi est l'auteur de nombreux articles sur la création contemporaine. Il est actuellement pensionnaire de l'Académie de France à Rome - Villa Médicis, après avoir enseigné dans les Universités de Paris 1, Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et Picardie Jules Verne.