Recueil de poésie écrit dans les geôles syriennes par le poète primé et grand opposant au régime syrien Faraj Bayrakdar. Introduit par une préface du poète français Michel Deguy.
Initialement écrit sur du papier cigarette (comme le raconte Faraj Bayrakdar dans sa préface) alors qu'il avait été enfermé dans les geôles syriennes comme opposant au régime d'Hafez el Hassad, cet ouvrage a été publié une première fois aux éditions Al Dante en 1998, alors que le poète était encore en prison, avec une traduction du poète Abdellatif Laâbi. La nouvelle édition proposée aujourd'hui a été revue par le poète Saïd Nourine en compagnie de l'auteur, aujourd'hui en liberté.
« La malédiction lui a dit : sois
et il fut
Ses yeux, deux boutons de cuivre noirci
Son nez, un point d'exclamation
mal dessiné
Sa bouche, le silencieux d'un revolver
Et dans le détonateur, sa langue
Sur ses épaules, des paons en insigne
bouffis de défaites
Ses dettes
menacent les banques du sang
d'une faillite retentissante
De son cœur aveugle
il nous protège
et de barbelés
nous garde
Ses intentions sont piégées
et son sourire annonce la boucherie
La mort lui tient lieu de sagesse
et l'enfer de justice
Excusez-moi, je m'arrête
J'ai la nausée
Peut-être n'est-il pas tout à fait ainsi
Et pourtant »
(Prison de Saidnaya, février 1993)
Faraj Bayrakdar (né en 1951 à Homs, Syrie, vit et travaille à Stockholm) devient, en 1977, le rédacteur en chef d'une revue littéraire qui travaille à promouvoir les œuvres des jeunes écrivains syriens, ce qui a entraîné deux fois son arrestation en 1978. La revue cesse de paraître au bout de douze numéros. Deux ans plus tard, Bayrakdar publie son premier recueil de
poèmes :
Tu n'es pas seul. Militant au sein du parti de l'Action Communiste, opposant au régime d'Hafez el Hassad, il est arrêté, pour la troisième fois, en mars 1987, pour appartenance à une organisation clandestine. Il est emprisonné, subit des interrogatoires et la torture, pendant sept ans. Il est jugé en 1993 et condamné à quinze ans de prison.
À la fin des années 1990, le CICR (Comité International Contre la Répression) demande sa libération à l'ambassade de Syrie à Paris. C'est cette même ambassade qui déclarera : « Faraj Bayrakdar n'existe pas ». Une campagne internationale se met en place.
Blanchot écrit en 1997 : « l'intolérable répression policière voudrait qu'un nom ne soit pas prononcé, que le poète Faraj Bayrakdar, incarcéré pour ses opinions depuis 1987, demeure interdit de parole, pour que nous ne puissions l'entendre. Nous voulons l'entendre. » Pour Bayrakdar, la poésie était une défense, une défense positive. À Palmyre, dans la prison du désert où il passa les quatre premières années de sa détention, il apprit à écrire sans crayon ni papier. Il écrivait des petits paragraphes et les mémorisait. Quand sa mémoire lui faisait défaut, il confiait ses poèmes à la mémoire de ses codétenus. Il trouva même, avec ces derniers, un moyen de fabriquer de l'encre avec du thé et des feuilles d'oignon ! Bayrakdar dit « La poésie m'a aidé à emprisonner la prison ». Aujourd'hui Faraj est libre. Il vit et travaille à Stockholm. Poète exilé, il se bat tous les jours et s'insurge contre le gouvernement de Bachar El Hassad sanglant et inhumain. « je n'ai plus le temps de faire de la poésie », dit Faraj, depuis mars 2011 où des émeutes éclatent dans la ville de Deera et un peu partout. « Nous n'avons pas encore expliqué le sang », dit-il… Son œuvre, traduite en plusieurs langues, a reçu divers prix littéraires, notamment le prix Hellman-Hammet (1998), l'American PEN Freedom-to-Write Award (1999) et le Free Word Award (Hollande, 2004). Ses premiers recueils sont publiés dès 1979 ; les pensées poétiques et politiques y sont déjà intimement liées. Durant sa captivité, paraît à Beyrouth son quatrième recueil :
Une colombe aux ailes déployées.