Les monochromes du peintre Stéphane Bordarier sont le fruit d'une recherche élémentaire autour de la couleur et du support. La surface picturale préparée à la colle de peau se mélange aux pigments colorés grâce à une rapidité de geste d'où découle l'inattendu. Cet ouvrage monographique offre un panorama de ses peintures récentes, suivi de deux entretiens avec l'artiste par
Erik Verhagen.
Le temps du travail pictural est fait du déroulement de l'action de peindre et de la réflexion qui l'accompagne et la suit. Je me laisse volontiers – et même je recherche cela – emporter par le mouvement d'une « suite » de peintures : c'est seulement ainsi que quelque chose d'inattendu, de non pensé, peut advenir et permettre d'avancer. Il s'agit d'en arriver au moment où on ne sait même plus que l'on est en train de faire un tableau, que l'acte se détache et, dans sa relative autonomie, laisse passer. Air connu, dont il faut se méfier de l'aspect transcendant. Bien sûr, ce non pensé doit être, ensuite, pensé ! Il affronte alors l'époque, l'histoire de la peinture et la philosophie, les productions d'autres artistes. Plus la confrontation est sévère et plus la position que je viens d'élaborer dans les tableaux peut être perçue pour ce qu'elle est. Ce qui est certainement plus intéressant encore, c'est que c'est dans l'acte même de peindre-en-dehors-du-tableau que se situe, de manière totalement inconsciente une partie de cette réflexion, et certainement la plus pointue, celle qui remet le plus de choses en question.
Stéphane Bordarier, extrait de l'entretien avec Erik Verhagen
Stéphane Bordarier (né en 1953, vit et travaille à Nîmes) a emprunté il y a une vingtaine d'années une voie singulière. Nourri par la
peinture avant-gardiste et monochrome des années 1960-70, comme par la peinture à fresque, il a forgé une synthèse totalement originale dans le paysage contemporain en France. Avec obstination, patiemment, il nous entraîne vers une expérience du tableau inédite, qui s'appuie sur la qualité de la surface picturale et le rôle fondateur, originel de la couleur. Son œuvre, aujourd'hui reconnue, s'est construite à l'écart des modes : elle affirme radicalement le pouvoir toujours renouvelé de la peinture.