Glenn Brown est un artiste virtuose, expert dans l'usurpation et le détournement des grands maîtres de la peinture classique. De ses dernières réalisations inspirées de l'œuvre de van Gogh aux travaux plus anciens, cette monographie permet de découvrir une pratique artistique mêlant dessin, peinture et sculpture de laquelle émane une réalité plurielle, entre tradition et postmodernisme.
Glenn Brown est l'un des artistes contemporains britanniques parmi les plus singuliers. Pourtant, la dernière rétrospective sur son œuvre en France remonte à l'année 2000. Méconnu du grand public français, l'art de Glenn Brown nous dévoile la force subjective de ses traductions des reproductions d'œuvres de maîtres anciens, de l'atomisation de la peinture ainsi que de l'inépuisable inventivité de sa pratique qui s'approprie les styles et les couleurs des dessins et des peintures classiques. Son geste interprétatif inédit donne vie à un ensemble de taches et de lignes sinueuses qui s'enchevêtrent et se répondent sur la surface d'une œuvre d'art. Il émane de ses œuvres – dessins et peintures confondues – une réalité plurielle, floue et flottante où l'ambiguïté visuelle évoque celle propre à notre époque « postdigitale ».
Les dessins qu'il réalise depuis 2013 comme une expression artistique autonome entretiennent un rapport thématique et viscéral avec ses peintures ainsi qu'avec ses sculptures, dont la majorité a été produite exclusivement pour l'exposition à la Fondation Vincent van Gogh Arles. Ainsi, ces trois médiums – peinture, sculpture et dessins – se côtoieront pour la première fois en France dans le cadre d'une exposition d'envergure.
A l'instar de l'exposition « Van Gogh en Provence : la tradition modernisée », les thèmes abordés dans l'œuvre de Glenn Brown appartiennent à une tradition picturale occidentale. Le portrait et la nature morte reflètent les conventions de différents styles et époques, que l'artiste convoque à travers sa peinture et ses dessins : réalisme allemand, maniérisme, baroque ainsi que la modernité. Les peintres européens historiques apportent des références qu'il convient de considérer comme des points de départ pour ses interprétations. Glenn Brown se distancie de l'original qu'il pulvérise et complexifie.
Dans sa traduction du portrait du facteur arlésien ou de Champ d'iris près d'Arles de Vincent van Gogh, pour la création des sculptures Armand Roulin et Boucher Blob B, toutes deux produites pour l'exposition, Glenn Brown s'est appuyé sur les couleurs des reproductions des tableaux de Van Gogh pour « surpeindre » des bustes en bronze, masqués derrière une quantité de couches épaisses de peinture bariolée. Cette profusion de matière tactile dialogue avec des toiles sans relief qui donnent, elles aussi, l'impression d'un jeu de textures et de masses visuelles fiévreuses.
Publié à l'occasion de l'exposition « Suffer Well » à la Fondation Vincent van Gogh, Arles, du 14 mai au 11 septembre 2016.
Glenn Brown (né en 1966 à Hexham, Northumberland, Royaume-Uni, vit et travaille à Londres) est un artiste britannique. En 1989, il participe à l'exposition itinérante « New Contemporaries » dédiée à la jeune création émergente made in Britain. Trois années plus tard, il sort diplômé du Goldsmiths College (Londres).
Dès le début de sa carrière, l'art de Glenn Brown repose sur des méthodes inédites d'appropriation et de reconfiguration d'œuvres appartenant essentiellement au passé. En témoigne sa première exposition personnelle en France, en 2000, au Centre d'art contemporain du domaine de Kerguéhennec à Bignan, où l'artiste présentait des peintures empreintes de références multiples aux œuvres de Salvador Dalí, aux portraits existentialistes du peintre anglais Frank Auerbach ainsi qu'aux illustrations issues de l'univers de la science-fiction. Déjà des sculptures répondaient aux œuvres en deux dimensions, à la surface lisse et à l'allure trompeuse.
Grâce à une parfaite maîtrise de la technique en trompe l'œil, Glenn Brown parvient à insuffler dans ses tableaux l'illusion de la profondeur. L'utilisation de couleurs acidulées, combinée à une prolifération de taches et de lignes de tous ordres, confère à son travail un classicisme expressif réinventé, un maniérisme subjectif, qui se poursuit jusqu'au présent.
Son œuvre a fait l'objet de nombreuses expositions aux titres évocateurs, tant au Royaume-Uni qu'à l'étranger, signalant son appartenance au renouveau de la peinture contemporaine : une peinture qui regarde l'histoire de l'art occidental pour « digérer », « transformer » des styles donnés afin de produire un contenu psychologique, un univers idiosyncratique.