Les « arts de la mémoire » sont un marqueur des modes de pensée des hommes à chaque époque, une boîte noire des représentations du monde. En s'attachant à la figure de Mnémosyne, cet essai réfléchit le lien entre pensée, lieux et images et ce qu'en révèlent les arts de la mémoire, de l'Antiquité aux paysages numériques, de Giordano Bruno, Leibniz, Benjamin à Aby Warburg.
C'est sous le signe de Mnémosyne que les arts de la mémoire ont initié, il y a déjà vingt-sept siècles, dans la Grèce de l'Antiquité, un chemin vers un art global, en associant pour la première fois lieux et mémoire, espace et temps, représentation et mouvement, image et pensée. C'est sous son signe que se sont déployées dans le temps les diverses modélisations des connaissances et que se place l'idée même d'une pensée visuelle, d'une pensée en images. Aujourd'hui, par le mouvement même de l'histoire et les changements de paradigme suscités par les nouvelles technologies, les lieux (loci) individualisés et intimes des antiques Palais de Mémoire deviennent collectifs et poreux. Les images (imagines) uniques et secrètes qui nourrissaient ces arts, deviennent multiples et publiques. Les couplages dialectiques lieux-images deviennent intelligence collective ou sites interactifs. D'un parcours balisé à des parcours connectés, les dispositifs se sont enrichis de combinaisons infinies qui renouvellent la notion de labyrinthe comme déambulation entre des énigmes symboliques. La réalité augmentée de ces nouveaux paysages virtuels et les liens qui s'y tissent sont aujourd'hui le lieu où se fabriquent la création artistique et les nouvelles modalités des savoirs.
François Boutonnet (né en 1951 à Perpignan) est docteur en cinéma. Depuis le milieu des années 2000, il développe une recherche avec l'université de Toulouse Le Mirail (ESAV) autour des rapports qu'entretiennent les arts de la mémoire et les images en mouvement. Dans le cadre de cette recherche, il a réalisé en 2008 un film-essai Urbi et Orbi.