Une performance « opto-phonique » du collectif Wild Shores qui met en scène les « Textes Tunisiens » de Marc-Henri Lamande.
Réunion de plusieurs morceaux, épars mais pourtant saisissants d'unité une fois assemblés. Longues pièces granulaires, elles ont toutes une délicatesse organique dans leur monde de vrombissement électronique. Ce magma de rythme soutient de nombreuses épiphanies lumineuses, des naissances mélodiques qui sont si délicates à former et à mener à maturité (il est aussi question pour les musiciens de protoétoiles et la métaphore est équivalente). La première pièce est à cet égard exemplaire, elle occupe la moitié du disque et vit en symbiose avec le texte magnifique écrit et dit par l'écrivain comédien Marc-Henri Lamande. Rimbaud, Lautréamont, Breton résonnent dans sa poésie, formation et déambulation dans un monde et l'extraordinaire acuité sensorielle de celui qui le parcourt (douloureuse dans sa tentative d'appréhension, de situation) : couleurs, pierre, mer, ciel, grotte... La musique et le texte se nourrissent l'un l'autre : l'un puisant une scansion dans le pouls, l'autre se mouvant avec grâce comme quelque cétacé légendaire au contact des mots chamaniques. Un texte prométhéen, qui distribue les éclairs créateurs et défie la transcendance dans un même mouvement : « La musique est le ciel » dit Lamande, elle est aussi tout au long du disque une mer d'un bleu mélancolique, la mer est le ciel et le ventre pâle des poissons se confond avec la nappe synthétique à peine ondulée par le vent qui illumine le couvercle d'eau.
Denis Boyer, Fear Drop
Wild Shores est un collectif de musiciens-plasticiens créé au début des années 1990 à Limoges (France) par Evelyne Hebey, Fred Nouveau, et Marc Roques. Ils développent, autour d'une œuvre musicale, des processus audiovisuels pluridisciplinaires – installations, performances ou triptyques vidéo – et en experimentent les interactions possibles à l'aide des nouveaux outils multimédia. Leur travail révèle une démarche sensible, une réflexion poétique et singulière sur notre environnement. Explorateurs curieux et respectueux de la bibliothèque sonore universelle, ils réalisent depuis plusieurs années de surprenantes installations d'architectures audio-visuelles associant lumière, vidéo et musique, jouant d'une manière unique avec les sons du monde, modelant des paysages inédits difficilement référençables et pourtant familiers : sans doute parce que leur musique est suffisamment ouverte pour permettre à chacun d'y trouver sa place, son angle d'écoute. Leur approche instinctive de l'électronique rend, en ce qui les concerne, le débat « man-machine » hors-propos : en témoigne la vibration naturellement chaleureuse qui émane de leur œuvre , prouvant que l'émotion ne dépend pas du véhicule qui la transmet et qu'insuffler vie aux circuits intégrés est possible. A un traitement original de la matière – plus proche du compost que du recyclage d'exotismes fantasmés – ils ajoutent une forme de geste électronique primitif perpétuant ainsi la spontanéité et le mystère de l'acte créatif traducteur de l'expression humaine.