Le rôle de l'enregistrement sonore et l'évolution des pratiques d'écoute dans la représentation de la
musique expérimentale depuis les années 1960 : une enquête menée à partir d'un vaste travail d'archive, d'une expérience directe avec des artistes de différents horizons et d'une approche pluridisciplinaire
de l'œuvre de
John Cage et des avant-gardes, qui ouvre des perspectives inédites dans les champs de la musicologie historique, des études des musiques populaires, de la production phonographique et de la performance expérimentale.
Le mépris de John Cage pour les disques était légendaire. Le compositeur n'a cessé d'affirmer que la musique enregistrée était antithétique à son œuvre. Dans Les disques gâchent le paysage, David Grubbs soutient que, à la suite de Cage, les productions issues des musiques expérimentale et d'avant-garde apparues au cours des années 1960 étaient particulièrement inadaptées à la forme enregistrée. Parmi ces pratiques figurent la musique indéterminée, le minimalisme de longue durée, les partitions textuelles, les happenings, la musique électronique live, le free jazz et l'improvisation libre. Comment représenter par le disque de telles pratiques aussi résolument évanescentes ?
À leur époque, seul un petit nombre de ces œuvres circulait sous forme enregistrée. À l'inverse, les auditeurs d'aujourd'hui découvrent cette musique, non seulement grâce à la flopée d'éditions et de rééditions LP ou CD, mais plus encore par le partage de fichiers et les ressources en ligne. Les auditeurs se familiarisent désormais à la musique expérimentale de cette époque à travers les documents enregistrés de compositeurs et musiciens qui, pour la plupart d'entre eux, reniaient l'enregistrement. Les disques gâchent le paysage trace les contours d'un paysage musical marqué par l'altération continue des pratiques d'écoute.
Professeur au conservatoire de musique du Brooklyn College depuis 2005, écrivain, critique, David Grubbs (née en 1967) est avant tout connu comme musicien, d'abord guitariste et songwriter dans des groupes de post-punk (Squirrel Bait, Bastro), puis performeur et compositeur dans des contextes marqués par l'expérimentation, l'improvisation et l'usage de l'électronique. Il a réalisé une douzaine d'albums solo. Son œuvre se nourrit abondamment de collaborations, depuis le très influent duo Gastr Del Sol (avec
Jim O'Rourke) jusqu'au trio récent avec Andrea Belfi et Stefano Pilia, en passant par la longue et fructueuse association avec la poétesse Susan Howe. Il a joué notamment avec Red Krayola, Will Oldham,
Tony Conrad,
Pauline Oliveros,
Loren Connors, etc., et développe régulièrement des projets avec des artistes plasticiens tels que Anthony McCall,
Angela Bulloch,
Doug Aitken ou Stephen Prina. Ses travaux ont été présentés dans de nombreuses institutions internationales, dont le Solomon R. Guggenheim Museum, le MoMA, la Tate Modern et le Centre Pompidou. Il est contributeur régulier de
BOMB Magazine, membre du conseil d'administration de
Blank Forms et dirige le label Blue Chopsticks.