Trois séries de photographies emblématiques du travail de Juergen Teller (une réflexion sur son propre travail sur la mode, décontextualisé,
en regard d'une série de photographies familiales intimes, et une réinterprétation de la beauté masculine telle que représentée par l'histoire de l'art) rassemblées dans un livre conçu par l'artiste comme une sorte d'état des lieux de sa situation personnelle et professionnelle à l'âge de 50 ans.
Juergen Teller est l'un de ces rares artistes qui a su faire exister et reconnaître son travail dans le milieu de l'art et dans celui de la mode. I am Fifty présente trois ensembles de photographies.
La série Masculine, qui ouvre le livre, a été produite suite à la visite de l'exposition Masculin/Masculin (musée d'Orsay, 2013) dans laquelle était présenté l'un de ses autoportraits. Les images se font écho : un autoportrait de l'artiste réplique à la photographie d'une œuvre de l'exposition d'Orsay. Juergen Teller se met en scène dans sa salle de sport, en short et baskets, en train de pratiquer ses exercices, porter des haltères, transpirant péniblement. Ses poses évoquent celles des nus classiques des peintures et sculptures, rappelant avec humour et autodérision ce que le corps musclé qui correspond à l'idéal masculin implique d'efforts mais aussi de grotesque.
La deuxième partie du livre met face à face, sur les pages droites, la série Irene im Wald (2012) et la série Woo qui désacralise ses photographies d'art ou de mode, sur les pages gauches. Les photographies de Irene im Wald suivent, dans un ordre rigoureux, la promenade de sa mère, dans une forêt d'Erlangen qu'il connaît depuis l'enfance. Évoquant la douceur d'un après-midi en famille, chaque image est le reflet du regard tendre du photographe sur sa mère dans cette forêt d'hiver ensoleillé. Mise vis-à-vis de ces images intimes et personnelles, les photographies d'art et de mode de la série Woo sont toutes mises sur le même plan et assemblées comme un pêle-mêle de photos de famille, ou une rétrospective enchevêtrée du travail de créateur de Juergen Teller. Alors que le livre s'impose comme œuvre, le double dispositif du livre impose de réfléchir à la nature de l'image photographique isolée et séparée de son contexte.
Publié suite à l'exposition éponyme à la galerie Suzanne Tarasieve, Paris, de mars à mai 2014.
Né en 1964 à Erlangen (Allemagne), Juergen Teller vit et travaille à Londres. Apprenti archetier pendant une courte période, il se tourne vers la photographie au milieu des années 1980 et étudie à la Bayerische Staatslehranstalt fur Photographie de Munich, avant d'emménager à Londres en 1986.
Au-delà de la renommée internationale que lui ont value ses travaux pour l'industrie du luxe (pour Marc Jacobs ou Yves Saint-Laurent notamment) – Teller est aujourd'hui l'un des photographes les plus convoités par la mode et la publicité –, son œuvre,
marquée par une approche abrupte et crue de la photographie (flashs aigres, yeux rouges, refus de la retouche et des cadrages calculés), qui fait la part belle à la sexualité et à la nudité, mais convoque aussi des éléments de l'histoire personnelle de l'artiste dans des situations surréalistes, frappe par sa capacité à exprimer son époque en inventant le langage plastique qui lui correspond le mieux, comme avant lui David Hamilton dans les années 1970, ou
Nan Goldin dans les années 1980.