Trois pièces électroacoustiques enregistrées par le compositeur de musique contemporaine marocain Ahmed Essyad au début des années 1970, s'inscrivant dans sa recherche de nouveaux outils de création, publiées dans la célèbre série Early Electronic de Sub Rosa.
Après avoir étudié la musique au Conservatoire de Rabat, Ahmed Essyad s'est installé à Paris en 1962, où il est devenu l'élève de Max Deutsch et, plus tard, son assistant. Formé aux pratiques d'avant-garde de la composition musicale occidentale, il revendique également la musique folklorique amazighe du Maroc comme source d'inspiration fondamentale pour son travail.
En 1965, il intègre déjà des éléments de la tradition orale dans son travail afin de remettre en question le langage de son époque, et doit donc faire face aux limites de la notation musicale et de la communication avec des musiciens qui ne partagent pas ses références culturelles. Il était difficile de se mettre d'accord sur ce qui était implicite, « derrière les notes », notamment en ce qui concerne la gestion du temps musical et des micro-intervalles. À la recherche de nouveaux outils de composition, il se tourne vers la musique électroacoustique. Le travail en studio lui permet d'être l'interprète de sa propre œuvre, ce qui assure une certaine continuité avec la musique de tradition orale.
Les pièces présentées ici ont été enregistrées entre 1972 et 1974 dans un studio dédié à la musique électroacoustique, le S.M.E.C.A, qui faisait partie de l'Atelier de Musique fondé par Jorge Arriagada à Paris. Le studio était équipé de synthétiseurs EMS et Minimoog, d'un piano, d'un marimba, d'un xylophone, ainsi que de divers instruments de percussion et d'un système de delay à bande.
Si la pratique de l'électroacoustique n'a été qu'une parenthèse dans la longue et prolifique carrière de compositeur de musique contemporaine d'Ahmed Essyad, les œuvres présentées ici n'en sont pas moins importantes. Elles montrent à quel point il a à la fois soutenu les formes d'expression populaires nord-africaines et s'est opposé à leur folklorisation par des représentations simplistes et « exotiques ». Il ne s'agit pas de fusionner l'Orient et l'Occident – entreprise impossible, dit-il : « il s'agit d'ouvrir un espace imaginaire où une autre modernité peut exister en dehors du cadre largement eurocentrique de la musique d'avant-garde. La synthèse, c'est l'anticipation, la connaissance. Moi, je suis de plus en plus ignorant. J'écris pour découvrir ce que je ne sais pas. La musique me nourrit, elle me pollinise. C'est mon vin quotidien. »
Ahmed Essyad (né en 1938 à Salé, Maroc) est un compositeur marocain installé en France depuis 1962. Sa double culture musicale, à la fois arabo-islamique – Conservatoire de Rabat – et occidentale – Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, où il fut l'élève, puis le disciple privilégié, de Max Deutsch (lui-même fils spirituel de Schoenberg) – traverse l'ensemble de son œuvre, fruit d'une recherche musicale rigoureuse et d'une réflexion sur l'oralité, unissant intimement la tradition romantique allemande et l'école de Vienne à celle de la musique arabo-andalouse et berbère.
